Dans ce contexte, l’approche par l’hypnose se déploie à différents niveaux. La particularité de la demande sexuelle est qu’elle est avant tout symptomatique. Internet est passé par là, la médiatisation aussi. Ne sont plus rares les patientes qui arrivent en ayant posé un diagnostic somme toute assez précis, quand elles n’ont pas fait le tour des sexologues de leur région et essayé plusieurs méthodes plus ou moins opératoires.
Certaines arrivent aussi avec un certain nombre d’années d’analyse derrière elles. Ces patientes sont souvent reconnaissables, dès leur premiers mots, à leur façon de mettre en route leurs processus intellectuels. L’hypnose arrive souvent soit comme une dernière chance, soit comme une panacée ou un filtre magique mettant le thérapeute dans une position de sauveur paternel (« vous êtes mon dernier espoir… »), soit de toute puissance maternelle (« je me remets entre vos mains… car vous, vous savez… »). Un troisième terme peut apparaître, c’est celui, comme disent les psychologues, défensif et à connotation paranoïaque, « l’hypnose, ça me fait peur… peur de ne plus être maîtresse de moi-même »… Justement !
Tout ceci pour dire que les premiers temps de la relation (et ce que le thérapeute pourra en repérer) vont être décisifs dans la prise en charge des troubles sexuels de cette femme à travers son histoire, son vécu, son corps, sa capacité à élaborer avec souplesse, autant de pistes à explorer avec cette approche créative et dynamique qu’est l’hypnose. Un temps sera nécessaire pour préciser cette demande, car nous le savons, en sexologie une demande peut en cacher une autre et souvent le symptôme a des racines profondes.
Pas de précipitation, donc ! Il n’y a aucune réponse toute faite et surtout pas une application hypnotique pour un problème. Lorsque nous apprenons avec sérieux les techniques d’hypnose, c’est avant tout pour qu’elles servent de base à la prise en charge qui se fondera sur le matériel apporté par la patiente, sur sa capacité à créer, à accepter le changement, dans la sphère la plus intime d’elle-même, sa sexualité. Une part se fera à travers le conscient, l’autre de son inconscient, et lui échappera. Il lui faut accepter cette « échappée belle ». Il lui faudra aussi accepter de ne pas tout comprendre.
C’est à ce prix que le « travail » hypnotique pourra se faire, dans cet état si particulier de contact avec soi-même, d’intériorisation vers des zones d’ombre corporelles et psychiques, de dialogue au-dedans de soi, cet état d’absorption qui ouvre des portes et des fenêtres vers des voies nouvelles qui peuvent s’appeler désir, plaisir ou relation amoureuse. Le thérapeute aura valeur de guide avisé et éclairé par une formation solide dans l’alternance entre verbalisation et expérience hypnotique.
Quels sont les intérêts et objectifs d’une approche par l’hypnose dans les troubles de la sexualité féminine ?
Tout d’abord, plusieurs facteurs sont à prendre en compte :
1 – La sexualité de la femme est intérieure par sa conception physiologique. La mise en place de la « conscience sexuelle », c’est-à-dire d’une part de la présence des organes sexuels externes et internes, d’autre part de leur dimension sensorielle de plaisir est, pour certaines femmes, très difficile à réaliser. Il existe de vraies inégalités devant cette relation au corps sexué et à son expression dans la relation, inégalités qui s’inscrivent essentiellement dans l’histoire de chacune. Cette complexité s’étend à la capacité d’érotisation des autres parties du corps, la peau, les seins et toutes les zones individuellement sensibles.
La sexualité féminine se construit dans un double mouvement de la conscience vers l’intérieur mais aussi vers la périphérie du corps jusqu’à sa surface, la peau.
2 – Cette capacité de représentation du corps sexué intérieur par sa cavité, sa vacuité qu’est le vagin se construit au fil de la vie. D’abord dans les toutes premières relations mère-bébé/fille à travers la reconnaissance de la féminité, mais aussi tout au long de la vie avec une acuité particulière dans les périodes charnières comme le passage de la sexualité de l’enfant à celle de l’adolescente, les premiers flirts, les premières relations sexuelles, les différentes rencontres et expériences. Le « regard du père » jour également un rôle primordial.
Ainsi, il est important de considérer que la sexualité féminine n’est pas fixée mais en mouvement et en évolution, s’étayant sur des bases physiologiques, hormonales, relationnelles et d’apprentissage. Les éventuels traumatismes seront autant de jalons dans cette évolution, les expériences renforçatrices de confiance également. S’ajoute l’accès à la masturbation qui relève de la curiosité envers son propre corps et qui n’est pas accessible à toutes les femmes pour des raisons souvent morales. L’aspect transgénérationnel dans le passage de femme à femme joue aussi un rôle essentiel, en particulier dans sa dimension de « fidélité » à une forme de tradition féminine familiale fantasmée.
3 – Le corps de la femme a des fonctions et des caractéristiques bien définies : il est plastique, il est réceptacle, il est le lieu de passage du dedans au dehors et du dehors au dedans (et nous verrons que cette fonction est essentielle dans différents symptômes).
Il est double lieu de création et nous nous trouvons souvent confrontés à cette dichotomie utérus-lieu de la maternité accepté/vagin-lieu de plaisir refusé. C’est cet antagonisme que nous avons souvent à traiter dans les demandes des femmes, et ce à tous les âges de la vie.
Il est également confronté à la limite des orifices et à leurs représentations transformant une porte d’entrée en une effraction. Enfin, il est porteur de creux et c’est précisément ce creux qui est source d’angoisse pour certaines femmes.
4 – La ligne du temps est toute spécifique à la sexualité féminine : de sa naissance à sa mort, les cycles rythment sa vie sexuelle. Cycles entre puberté et ménopause, cycles menstruels installant une variabilité dans la relation au corps, au désir dans sa dimension hormonale, cycles entre fécondité-maternité et érotisation-plaisir. Nouveau cycle aussi lorsqu’après la ménopause, la sexualité prend une forme moins contrainte et donc plus libre, ou au contraire s’estompe.
5 – La pression sociale de « l’orgasme à tout prix » mais aussi l’évolution de la société depuis les lois sur la contraception et l’avortement, qui permet aux femmes de vivre une sexualité de plaisir sans forcément y associer la « noblesse des sentiments ». Mais les idées reçues ont la peau dure… et nous avons à y faire face ! Chacune construira sa sexualité en lien plus ou moins fort avec l’amour.
6 – Les problématiques de la sexualité féminine doivent se considérer comme des troubles par excellence psychosomatiques, en ce sens que les interactions entre psyché et soma sont directes et à double sens.
7 – Enfin, la plainte s’inscrit dans une histoire de femme, d’épouse, d’amante et donc dans une histoire de vie impliquant la relation à l’autre réel ou fantasmé.
Même si le symptôme éclôt brutalement, au décours d’un événement de vie ou sans crier gare, de façon semble-t-il fortuite, il peut s’enraciner profondément dans le passé, empoisonner le présent et mettre en question l’avenir.
Certaines arrivent aussi avec un certain nombre d’années d’analyse derrière elles. Ces patientes sont souvent reconnaissables, dès leur premiers mots, à leur façon de mettre en route leurs processus intellectuels. L’hypnose arrive souvent soit comme une dernière chance, soit comme une panacée ou un filtre magique mettant le thérapeute dans une position de sauveur paternel (« vous êtes mon dernier espoir… »), soit de toute puissance maternelle (« je me remets entre vos mains… car vous, vous savez… »). Un troisième terme peut apparaître, c’est celui, comme disent les psychologues, défensif et à connotation paranoïaque, « l’hypnose, ça me fait peur… peur de ne plus être maîtresse de moi-même »… Justement !
Tout ceci pour dire que les premiers temps de la relation (et ce que le thérapeute pourra en repérer) vont être décisifs dans la prise en charge des troubles sexuels de cette femme à travers son histoire, son vécu, son corps, sa capacité à élaborer avec souplesse, autant de pistes à explorer avec cette approche créative et dynamique qu’est l’hypnose. Un temps sera nécessaire pour préciser cette demande, car nous le savons, en sexologie une demande peut en cacher une autre et souvent le symptôme a des racines profondes.
Pas de précipitation, donc ! Il n’y a aucune réponse toute faite et surtout pas une application hypnotique pour un problème. Lorsque nous apprenons avec sérieux les techniques d’hypnose, c’est avant tout pour qu’elles servent de base à la prise en charge qui se fondera sur le matériel apporté par la patiente, sur sa capacité à créer, à accepter le changement, dans la sphère la plus intime d’elle-même, sa sexualité. Une part se fera à travers le conscient, l’autre de son inconscient, et lui échappera. Il lui faut accepter cette « échappée belle ». Il lui faudra aussi accepter de ne pas tout comprendre.
C’est à ce prix que le « travail » hypnotique pourra se faire, dans cet état si particulier de contact avec soi-même, d’intériorisation vers des zones d’ombre corporelles et psychiques, de dialogue au-dedans de soi, cet état d’absorption qui ouvre des portes et des fenêtres vers des voies nouvelles qui peuvent s’appeler désir, plaisir ou relation amoureuse. Le thérapeute aura valeur de guide avisé et éclairé par une formation solide dans l’alternance entre verbalisation et expérience hypnotique.
Quels sont les intérêts et objectifs d’une approche par l’hypnose dans les troubles de la sexualité féminine ?
Tout d’abord, plusieurs facteurs sont à prendre en compte :
1 – La sexualité de la femme est intérieure par sa conception physiologique. La mise en place de la « conscience sexuelle », c’est-à-dire d’une part de la présence des organes sexuels externes et internes, d’autre part de leur dimension sensorielle de plaisir est, pour certaines femmes, très difficile à réaliser. Il existe de vraies inégalités devant cette relation au corps sexué et à son expression dans la relation, inégalités qui s’inscrivent essentiellement dans l’histoire de chacune. Cette complexité s’étend à la capacité d’érotisation des autres parties du corps, la peau, les seins et toutes les zones individuellement sensibles.
La sexualité féminine se construit dans un double mouvement de la conscience vers l’intérieur mais aussi vers la périphérie du corps jusqu’à sa surface, la peau.
2 – Cette capacité de représentation du corps sexué intérieur par sa cavité, sa vacuité qu’est le vagin se construit au fil de la vie. D’abord dans les toutes premières relations mère-bébé/fille à travers la reconnaissance de la féminité, mais aussi tout au long de la vie avec une acuité particulière dans les périodes charnières comme le passage de la sexualité de l’enfant à celle de l’adolescente, les premiers flirts, les premières relations sexuelles, les différentes rencontres et expériences. Le « regard du père » jour également un rôle primordial.
Ainsi, il est important de considérer que la sexualité féminine n’est pas fixée mais en mouvement et en évolution, s’étayant sur des bases physiologiques, hormonales, relationnelles et d’apprentissage. Les éventuels traumatismes seront autant de jalons dans cette évolution, les expériences renforçatrices de confiance également. S’ajoute l’accès à la masturbation qui relève de la curiosité envers son propre corps et qui n’est pas accessible à toutes les femmes pour des raisons souvent morales. L’aspect transgénérationnel dans le passage de femme à femme joue aussi un rôle essentiel, en particulier dans sa dimension de « fidélité » à une forme de tradition féminine familiale fantasmée.
3 – Le corps de la femme a des fonctions et des caractéristiques bien définies : il est plastique, il est réceptacle, il est le lieu de passage du dedans au dehors et du dehors au dedans (et nous verrons que cette fonction est essentielle dans différents symptômes).
Il est double lieu de création et nous nous trouvons souvent confrontés à cette dichotomie utérus-lieu de la maternité accepté/vagin-lieu de plaisir refusé. C’est cet antagonisme que nous avons souvent à traiter dans les demandes des femmes, et ce à tous les âges de la vie.
Il est également confronté à la limite des orifices et à leurs représentations transformant une porte d’entrée en une effraction. Enfin, il est porteur de creux et c’est précisément ce creux qui est source d’angoisse pour certaines femmes.
4 – La ligne du temps est toute spécifique à la sexualité féminine : de sa naissance à sa mort, les cycles rythment sa vie sexuelle. Cycles entre puberté et ménopause, cycles menstruels installant une variabilité dans la relation au corps, au désir dans sa dimension hormonale, cycles entre fécondité-maternité et érotisation-plaisir. Nouveau cycle aussi lorsqu’après la ménopause, la sexualité prend une forme moins contrainte et donc plus libre, ou au contraire s’estompe.
5 – La pression sociale de « l’orgasme à tout prix » mais aussi l’évolution de la société depuis les lois sur la contraception et l’avortement, qui permet aux femmes de vivre une sexualité de plaisir sans forcément y associer la « noblesse des sentiments ». Mais les idées reçues ont la peau dure… et nous avons à y faire face ! Chacune construira sa sexualité en lien plus ou moins fort avec l’amour.
6 – Les problématiques de la sexualité féminine doivent se considérer comme des troubles par excellence psychosomatiques, en ce sens que les interactions entre psyché et soma sont directes et à double sens.
7 – Enfin, la plainte s’inscrit dans une histoire de femme, d’épouse, d’amante et donc dans une histoire de vie impliquant la relation à l’autre réel ou fantasmé.
Même si le symptôme éclôt brutalement, au décours d’un événement de vie ou sans crier gare, de façon semble-t-il fortuite, il peut s’enraciner profondément dans le passé, empoisonner le présent et mettre en question l’avenir.
Rappel des bases intrapsychiques de la sexualité féminine
La sexualité féminine a été l’objet, au cours du XXe siècle, d’études et d’évolutions tant sur le plan psychologique que sociologique, ces deux domaines devant être pris en compte pour mieux comprendre la sexualité de la femme aujourd’hui.
Il est donc nécessaire de faire un rappel historique de l’évolution des idées et, en particulier, l’apport de la psychanalyse dans ses modèles théoriques successifs.
Les deux textes princeps de Freud sur la sexualité féminine datent respectivement de 1931 et 1932. Un certain nombre de points cruciaux de la pensée freudienne seront largement critiqués et rediscutés par des psychanalystes femmes à la lumière du mouvement féministe.
Sur la base de la découverte de la sexualité infantile et de l’inconscient, à partir de la mise en évidence du complexe d’Œdipe, Freud, avec l’étude sur le masochisme féminin, relance l’interrogation sur la sexualité féminine.
Ce qui lui sera largement reproché plus tard, c’est qu’il propose une construction de la sexualité féminine basée sur la sexualité de l’homme et essentiellement tournée vers une quête impossible, l’envie du pénis. Il souligne ainsi pour la petite fille la difficulté de la résolution œdipienne par l’angoisse de castration, celle-ci étant déjà à l’origine « castrée ».
Il reconnaît le mystère de la sexualité féminine sous la forme d’un « continent noir ».
Freud termine sa 33e conférence par cette pirouette : « Si vous voulez en savoir plus sur la féminité, interrogez vos propres expériences de la vie, ou adressez-vous aux poètes, ou bien attendez que la science puisse vous donner des renseignements plus approfondis et plus cohérents. »
La question fondamentale au centre des débats psychanalytiques de l’époque qui va changer l’orientation de toute la conception de la féminité est la suivante : « Y a-t-il, chez la petite fille, une connaissance précoce du vagin ? » Si le débat semble dépassé aujourd’hui, c’est sur cette base de la non-reconnaissance d’une féminité originaire que se sont étayés ensuite les courants de réflexion et de contradiction.
Karl Abraham se pose la question d’une première « éclosion vaginale » de la libido féminine destinée au refoulement et pousse ses hypothèses jusqu’à mettre en parallèle les contractions vaginales spontanées de la petite fille et les premières érections du pénis du garçon. Par ailleurs, il précise ses hypothèses en proposant la « théorie du cloaque » mettant en relation directe les sensations transmises de la zone anale au vagin. Cette question avait d’ailleurs déjà été évoquée en 1916 par Lou Andreas-Salomé dans son texte « Anal et sexuel » par sa notion de « voisinage » anatomique, sensoriel et fantasmatique des deux zones dans la sexualité féminine.
L’école anglaise : si pour Josine Müller le vagin est le premier organe investi libidinalement, c’est Karen Horney qui expose ses idées du point de vue féminin. Elle met en évidence, à partir des fantasmes masturbatoires et des rêves des petites filles, leur connaissance instinctive du vagin. En fait, la fillette craindrait les différentes atteintes dont pourrait être l’objet l’intérieur de son corps. Melanie Klein reprend dans ses travaux cette crainte fondamentale en le resituant dans le contexte œdipien.
L’envie du pénis est alors investie libidinalement et intériorisé « L’Œdipe de la fille ne s’installe pas indirectement à la faveur de ses tendances masculines, mais directement sous l’action dominante de ses éléments instinctuels féminins. » (« La psychanalyse des enfants »). Si l’organe visible est le clitoris, il n’en reste pas moins que la fillette a une connaissance très précoce et au moins inconsciente de son vagin.
Les fantasmes et les sensations qui accompagnent la masturbation clitoridienne, les sensations vaginales qui en résultent, traduisent des désirs d’incorporation du pénis paternel (introjection). Dès la phase orale, c’est-à-dire très précocement, par la déception qu’éprouve la petite fille vis-à-vis du sein et sa conséquence, son déplacement au pénis du père (penis-like), l’Œdipe se met en place. Ernest Jones s’opposera radicalement à Freud en soutenant l’idée que la fillette est dès le début plus féminine que masculine et qu’elle plus centrée sur l’intérieur du corps que sur l’extérieur.
Peu à peu, la psychanalyse sort de ce dans quoi elle s’était engluée, une vision phallocentrique de la sexualité féminine.
L’évolution de la sexualité des années 1970, et en particulier l’avènement de la contraception et la libéralisation de l’avortement, ont donné la possibilité aux femmes de séparer sexualité de procréation et sexualité de récréation. La mise en évidence et l’invitation à la révolte par les mouvements féministes contre la soumission des femmes au désir masculin ont permis de dénoncer la place d’objet assigné à la femme et de lui reconnaître le droit au plaisir. On s’aperçoit néanmoins dans la clinique que les choses ne sont pas si simples, car bien souvent sexualité et maternité restent liées dans la tête des femmes.
Les travaux de Masters et Johnson sur la physiologie du rapport sexuel ont permis également de mieux comprendre le plaisir féminin, tout au moins sur un plan organique. Différents travaux, surtout anglo-saxons et canadiens (par ex. Helen Singer Kaplan, ou plus près de nous, Gilles Trudel) se sont penchés sur la dimension comportementale et « consciente » de la sexualité féminine.
Si les théories d’inspiration psychanalytique de la psychogenèse de la sexualité nous restent précieuses quant à sa dimension inconsciente, il est un fait qu’on ne peut véritablement envisager une compréhension globale de la sexualité de la femme qu’à travers une vision évolutive tout au long de sa vie, et en prenant en compte sa relation à son corps anatomique, physiologique et fantasmatique.
Ainsi, les études récentes montrent qu’orgasme clitoridien et orgasme vaginal sont liés sur le plan physiologique. « Les études scientifiques à niveaux de preuves satisfaisants démontrent bien l’existence d’une zone spécifique du vagin, péri-urétrale, situé sur sa face antérieure, richement innervée, et communiquant de manière dynamique avec le clitoris qui vient s’appuyer lors des mouvements de va-et-vient pendant la pénétration. Cette zone serait à l’origine d’un orgasme pouvant se déclencher pendant les mouvements intra-vaginaux, mais impliquant aussi le clitoris. »
La sexualité de la femme est donc complexe par son aspect secret et c’est avec cette complexité que nous devons composer en sexothérapie hypnotique, la première difficulté tenant aux représentations, tant sur le plan de l’image du corps, de l’acceptation de la féminité, que dans sa dimension d’autorisation face au plaisir et au désir.
La sexualité féminine a été l’objet, au cours du XXe siècle, d’études et d’évolutions tant sur le plan psychologique que sociologique, ces deux domaines devant être pris en compte pour mieux comprendre la sexualité de la femme aujourd’hui.
Il est donc nécessaire de faire un rappel historique de l’évolution des idées et, en particulier, l’apport de la psychanalyse dans ses modèles théoriques successifs.
Les deux textes princeps de Freud sur la sexualité féminine datent respectivement de 1931 et 1932. Un certain nombre de points cruciaux de la pensée freudienne seront largement critiqués et rediscutés par des psychanalystes femmes à la lumière du mouvement féministe.
Sur la base de la découverte de la sexualité infantile et de l’inconscient, à partir de la mise en évidence du complexe d’Œdipe, Freud, avec l’étude sur le masochisme féminin, relance l’interrogation sur la sexualité féminine.
Ce qui lui sera largement reproché plus tard, c’est qu’il propose une construction de la sexualité féminine basée sur la sexualité de l’homme et essentiellement tournée vers une quête impossible, l’envie du pénis. Il souligne ainsi pour la petite fille la difficulté de la résolution œdipienne par l’angoisse de castration, celle-ci étant déjà à l’origine « castrée ».
Il reconnaît le mystère de la sexualité féminine sous la forme d’un « continent noir ».
Freud termine sa 33e conférence par cette pirouette : « Si vous voulez en savoir plus sur la féminité, interrogez vos propres expériences de la vie, ou adressez-vous aux poètes, ou bien attendez que la science puisse vous donner des renseignements plus approfondis et plus cohérents. »
La question fondamentale au centre des débats psychanalytiques de l’époque qui va changer l’orientation de toute la conception de la féminité est la suivante : « Y a-t-il, chez la petite fille, une connaissance précoce du vagin ? » Si le débat semble dépassé aujourd’hui, c’est sur cette base de la non-reconnaissance d’une féminité originaire que se sont étayés ensuite les courants de réflexion et de contradiction.
Karl Abraham se pose la question d’une première « éclosion vaginale » de la libido féminine destinée au refoulement et pousse ses hypothèses jusqu’à mettre en parallèle les contractions vaginales spontanées de la petite fille et les premières érections du pénis du garçon. Par ailleurs, il précise ses hypothèses en proposant la « théorie du cloaque » mettant en relation directe les sensations transmises de la zone anale au vagin. Cette question avait d’ailleurs déjà été évoquée en 1916 par Lou Andreas-Salomé dans son texte « Anal et sexuel » par sa notion de « voisinage » anatomique, sensoriel et fantasmatique des deux zones dans la sexualité féminine.
L’école anglaise : si pour Josine Müller le vagin est le premier organe investi libidinalement, c’est Karen Horney qui expose ses idées du point de vue féminin. Elle met en évidence, à partir des fantasmes masturbatoires et des rêves des petites filles, leur connaissance instinctive du vagin. En fait, la fillette craindrait les différentes atteintes dont pourrait être l’objet l’intérieur de son corps. Melanie Klein reprend dans ses travaux cette crainte fondamentale en le resituant dans le contexte œdipien.
L’envie du pénis est alors investie libidinalement et intériorisé « L’Œdipe de la fille ne s’installe pas indirectement à la faveur de ses tendances masculines, mais directement sous l’action dominante de ses éléments instinctuels féminins. » (« La psychanalyse des enfants »). Si l’organe visible est le clitoris, il n’en reste pas moins que la fillette a une connaissance très précoce et au moins inconsciente de son vagin.
Les fantasmes et les sensations qui accompagnent la masturbation clitoridienne, les sensations vaginales qui en résultent, traduisent des désirs d’incorporation du pénis paternel (introjection). Dès la phase orale, c’est-à-dire très précocement, par la déception qu’éprouve la petite fille vis-à-vis du sein et sa conséquence, son déplacement au pénis du père (penis-like), l’Œdipe se met en place. Ernest Jones s’opposera radicalement à Freud en soutenant l’idée que la fillette est dès le début plus féminine que masculine et qu’elle plus centrée sur l’intérieur du corps que sur l’extérieur.
Peu à peu, la psychanalyse sort de ce dans quoi elle s’était engluée, une vision phallocentrique de la sexualité féminine.
L’évolution de la sexualité des années 1970, et en particulier l’avènement de la contraception et la libéralisation de l’avortement, ont donné la possibilité aux femmes de séparer sexualité de procréation et sexualité de récréation. La mise en évidence et l’invitation à la révolte par les mouvements féministes contre la soumission des femmes au désir masculin ont permis de dénoncer la place d’objet assigné à la femme et de lui reconnaître le droit au plaisir. On s’aperçoit néanmoins dans la clinique que les choses ne sont pas si simples, car bien souvent sexualité et maternité restent liées dans la tête des femmes.
Les travaux de Masters et Johnson sur la physiologie du rapport sexuel ont permis également de mieux comprendre le plaisir féminin, tout au moins sur un plan organique. Différents travaux, surtout anglo-saxons et canadiens (par ex. Helen Singer Kaplan, ou plus près de nous, Gilles Trudel) se sont penchés sur la dimension comportementale et « consciente » de la sexualité féminine.
Si les théories d’inspiration psychanalytique de la psychogenèse de la sexualité nous restent précieuses quant à sa dimension inconsciente, il est un fait qu’on ne peut véritablement envisager une compréhension globale de la sexualité de la femme qu’à travers une vision évolutive tout au long de sa vie, et en prenant en compte sa relation à son corps anatomique, physiologique et fantasmatique.
Ainsi, les études récentes montrent qu’orgasme clitoridien et orgasme vaginal sont liés sur le plan physiologique. « Les études scientifiques à niveaux de preuves satisfaisants démontrent bien l’existence d’une zone spécifique du vagin, péri-urétrale, situé sur sa face antérieure, richement innervée, et communiquant de manière dynamique avec le clitoris qui vient s’appuyer lors des mouvements de va-et-vient pendant la pénétration. Cette zone serait à l’origine d’un orgasme pouvant se déclencher pendant les mouvements intra-vaginaux, mais impliquant aussi le clitoris. »
La sexualité de la femme est donc complexe par son aspect secret et c’est avec cette complexité que nous devons composer en sexothérapie hypnotique, la première difficulté tenant aux représentations, tant sur le plan de l’image du corps, de l’acceptation de la féminité, que dans sa dimension d’autorisation face au plaisir et au désir.
Revue de symptômes sexuels féminins à partir de la clinique
La demande sexuelle s’exprime la plupart du temps à travers le symptôme et tourne autour de plusieurs pôles :
- Les troubles du plaisir pouvant aller d’une anesthésie sensorielle totale, y compris sexuelle ou partielle (insensibilité vaginale uniquement), à l’anorgasmie primaire, secondaire ou contingente, a-t-elle des orgasmes clitoridiens ? Quand une femme vient avec cette demande « Je n’ai pas de plaisir… », il est indispensable de lui faire préciser sa demande pour savoir de quoi elle parle. Est-ce une incapacité à atteindre l’orgasme avec une montée de l’excitation ressentie agréablement ? Est-ce une incapacité à ressentir son intériorité ? Est-ce une insensibilité généralisée ?
Tous les degrés sont possibles et la prise en charge dépendra de cette analyse fine du rapport au plaisir de la patiente. Les classifications de Masters et Johnson (1970), puis de Kaplan (1974), sont des points de repères. Celles du DSM-IV sont communément adoptées par les sexologues en se basant sur les quatre étapes de l’activité sexuelle : désir, excitation, orgasme, résolution. Trudel distingue les troubles de l’orgasme des troubles de l’excitation (dysfonction sexuelle généralisée). Le DSM-IV insiste sur l’aspect physiologique de la réponse de l’excitation, c’est-à-dire la lubrification.
- Le vaginisme qualifié par Masters et Johnson comme « un trouble psychophysiologique » qui rend difficile voire impossible l’acte sexuel. En fait, il s’agit d’une contraction spasmodique de la musculature du vagin qui empêche les rapports sexuels de pénétration.
- La dyspareunie consiste en l’apparition de sensations douloureuses pendant l’activité sexuelle. Les douleurs peuvent être à l’entrée du vagin ou plus en profondeur. Le DSM-IV considère qu’il y a dyspareunie lorsqu’une douleur persistante et récurrente est associée à l’activité sexuelle et cause une détresse marquée personnelle ou interpersonnelle.
Notons que nous sommes très souvent confrontés à la spirale douleur/peur/ vaginisme et que dyspareunie et vaginisme font souvent bon ménage. Il est donc important de débrouiller les fils d’un vécu sexuel confus et ces classifications sont là pour nous y aider.
- Enfin, les troubles du désir qui font florès dans nos consultations. Le désir sexuel hypoactif (DSH), tel qu’il est défini dans le DSM-IV, est « une déficience persistante et récurrente dans le désir d’avoir des activités sexuelles ». Cette définition apparaît comme vague et la pratique clinique nous montre combien il est compliqué de prendre en charge ce type de problème qui est toujours multifactoriel.
Là encore, nous sommes en face de degrés et de variation très différents d’une histoire à l’autre, d’un moment de la vie à l’autre. La demande prend souvent la forme de la problématique de la fréquence des rapports dans le couple, mais aussi implique de multiples dimensions affectives, expérientielles (traumatismes, habiletés sexuelles liée à l’expérience et aux premières relations), morales, croyances, nature de la relation conjugale, etc., qui souvent s’intriquent subtilement en prenant comme mode d’expression le refus qui fait fonction d’impasse.
Un des axes à explorer sera celui de la nature même du trouble du désir sexuel lié à l’histoire personnelle ou inscrite dans la relation à l’autre. Les liens complexes entre amour et désir seront également au premier plan, même chez la femme et pas forcément dans le sens qu’on pense !
Après ce bref rappel de la symptomatologie sexuelle féminine, il est important de rappeler trois points :
- Les troubles sexuels s’inscrivent toujours dans une histoire singulière et c’est la personne souffrante dans sa sexualité qui va d’abord nous intéresser.
- On ne peut ignorer les interactions subtiles entre les dimensions physiologiques et psychologiques et donc la dimension psychosomatique.
- Enfin, la demande même individuelle implique toujours le tiers réel ou fantasmé.
Sur ces bases, je vais vous proposer un tissage qui servira de modèle général pour la prise en charge des troubles sexuels féminins par l’hypnose.
Repérages nécessaires :
Ces repérages s’appuient sur 5 points : l’observation clinique au sens large, l’évitement de l’interprétation trop rapide et directe, l’utilisation du matériel de la patiente, le décodage psychopathologique, la place du symptôme dans l’économie de vie de la patiente.
- L’observation clinique : je reprendrai volontiers à mon compte la définition d’Albert Ciccone (2) : « L’observation suppose d’aller vers le réel pour découvrir une nouveauté au-delà de ce qui se présente sous l’apparence du déjà connu. Observer suppose une position nouvelle, en rupture avec ce qui a orienté jusque-là le regard. » Chaque patiente, par son histoire singulière, va apporter son lot de surprises et c’est en cela aussi que notre disponibilité, notre écoute attentive et cette dimension d’attention est essentielle.
Si cette observation se base sur certains critères objectifs (écoute des mots utilisés, langage du corps, expressions émotionnelles non verbales, utilisation de l’espace…), elle reste néanmoins aussi une construction car le psychisme (et les effets psychiques du vécu sexuel) n’est observable qu’à partir de ce qu’il produit. Observer, écouter, c’est d’abord pour le thérapeute en hypnose, commencer par être au plus simple de cette observation : que dit, que montre la patiente ? C’est à partir de cette position basse (chère à Erickson) que les dérives pourront être éviter.
- Ainsi le piège de l’interprétation nous est toujours tendu et parfois même par la patiente elle-même dans des relations simplistes de causes à effets. Méfions-nous donc des interprétations trop rapides et directes qui peuvent stériliser le travail dans des certitudes. (Exemple : ces femmes qui arrivent en faisant le lien immédiat entre un abus sexuel et leur problématique actuelle et qui l’exprime en première intention.)
- Pour mettre en œuvre ce tissage thérapeutique grâce à l’hypnose, il nous faut faire avec ce que nous avons, c’est-à-dire ce que nous avons glané grâce à l’observation et aux éléments de vie apportés par la femme en souffrance dans sa sexualité. La pelote se déroulera au fur et à mesure dans le respect du rythme de la patiente. C’est pourquoi les premiers entretiens en sexologie ne doivent en aucun cas être des « interrogatoires ». Il doivent être un savant mélange de questions précises (ne jamais perdre de vue la dimension physiologique et la question de l’information sexuelle qui est souvent simplement nécessaire), mais aussi de temps de silence et d’élaboration naissante. Le travail psychique du thérapeute, sa « cuisine » interne, sa capacité de penser tout en étant avec l’autre, sera là primordial.
- Le décodage psychopathologique (au sens large et en restant prudent dans les étiquettes) me semble essentiel, d’où une formation adéquate. En effet, la demande sexuelle se situe toujours sur un mode de fonctionnement qui la colore et la prise ne charge en hypnose peut beaucoup gagner à ce décodage. (Exemple : quand « l’obsessionalisation » d’un symptôme sexuel avec envahissement psychique - « je n’arrive pas à obtenir d’orgasme, je ne pense qu’à cela » - implique un évitement et stérilise la capacité de relation.)
Autre exemple, ou bien quand la sexualité n’est opérante qu’au début des relations avec un effet répétitif de perte de désir à terme, montrant la nature uniquement séductrice dans un seul but, capter l’autre affectivement dans une sexualité que j’appelle « hameçon » - on pourrait dire de nature hystérique ! Le travail là sera de permettre à la patiente de dépasser ce stade de la construction de sa sexualité en l’aidant à grandir en reprenant les différentes phases de son évolution et en en inventant de nouvelles.
- Enfin, la place du symptôme sexuel n’est souvent qu’une porte d’entrée pour exprimer autre chose, soit un trouble relationnel, soit une souffrance psychique et une fragilité d’une nature très profonde. Alors, certes on peut toujours dire que le patient fait son travail tout seul, mais notre devoir de professionnel est aussi de pouvoir repérer « ce qui n’est pas visible pour les yeux » pour pouvoir éventuellement l’utiliser en hypnose. Ce repérage peut mener aussi à ne pas faire d’hypnose, en tout cas à ne pas l’utiliser intentionnellement, même si on considère que c’est un accès naturel au monde intérieur.
La demande sexuelle s’exprime la plupart du temps à travers le symptôme et tourne autour de plusieurs pôles :
- Les troubles du plaisir pouvant aller d’une anesthésie sensorielle totale, y compris sexuelle ou partielle (insensibilité vaginale uniquement), à l’anorgasmie primaire, secondaire ou contingente, a-t-elle des orgasmes clitoridiens ? Quand une femme vient avec cette demande « Je n’ai pas de plaisir… », il est indispensable de lui faire préciser sa demande pour savoir de quoi elle parle. Est-ce une incapacité à atteindre l’orgasme avec une montée de l’excitation ressentie agréablement ? Est-ce une incapacité à ressentir son intériorité ? Est-ce une insensibilité généralisée ?
Tous les degrés sont possibles et la prise en charge dépendra de cette analyse fine du rapport au plaisir de la patiente. Les classifications de Masters et Johnson (1970), puis de Kaplan (1974), sont des points de repères. Celles du DSM-IV sont communément adoptées par les sexologues en se basant sur les quatre étapes de l’activité sexuelle : désir, excitation, orgasme, résolution. Trudel distingue les troubles de l’orgasme des troubles de l’excitation (dysfonction sexuelle généralisée). Le DSM-IV insiste sur l’aspect physiologique de la réponse de l’excitation, c’est-à-dire la lubrification.
- Le vaginisme qualifié par Masters et Johnson comme « un trouble psychophysiologique » qui rend difficile voire impossible l’acte sexuel. En fait, il s’agit d’une contraction spasmodique de la musculature du vagin qui empêche les rapports sexuels de pénétration.
- La dyspareunie consiste en l’apparition de sensations douloureuses pendant l’activité sexuelle. Les douleurs peuvent être à l’entrée du vagin ou plus en profondeur. Le DSM-IV considère qu’il y a dyspareunie lorsqu’une douleur persistante et récurrente est associée à l’activité sexuelle et cause une détresse marquée personnelle ou interpersonnelle.
Notons que nous sommes très souvent confrontés à la spirale douleur/peur/ vaginisme et que dyspareunie et vaginisme font souvent bon ménage. Il est donc important de débrouiller les fils d’un vécu sexuel confus et ces classifications sont là pour nous y aider.
- Enfin, les troubles du désir qui font florès dans nos consultations. Le désir sexuel hypoactif (DSH), tel qu’il est défini dans le DSM-IV, est « une déficience persistante et récurrente dans le désir d’avoir des activités sexuelles ». Cette définition apparaît comme vague et la pratique clinique nous montre combien il est compliqué de prendre en charge ce type de problème qui est toujours multifactoriel.
Là encore, nous sommes en face de degrés et de variation très différents d’une histoire à l’autre, d’un moment de la vie à l’autre. La demande prend souvent la forme de la problématique de la fréquence des rapports dans le couple, mais aussi implique de multiples dimensions affectives, expérientielles (traumatismes, habiletés sexuelles liée à l’expérience et aux premières relations), morales, croyances, nature de la relation conjugale, etc., qui souvent s’intriquent subtilement en prenant comme mode d’expression le refus qui fait fonction d’impasse.
Un des axes à explorer sera celui de la nature même du trouble du désir sexuel lié à l’histoire personnelle ou inscrite dans la relation à l’autre. Les liens complexes entre amour et désir seront également au premier plan, même chez la femme et pas forcément dans le sens qu’on pense !
Après ce bref rappel de la symptomatologie sexuelle féminine, il est important de rappeler trois points :
- Les troubles sexuels s’inscrivent toujours dans une histoire singulière et c’est la personne souffrante dans sa sexualité qui va d’abord nous intéresser.
- On ne peut ignorer les interactions subtiles entre les dimensions physiologiques et psychologiques et donc la dimension psychosomatique.
- Enfin, la demande même individuelle implique toujours le tiers réel ou fantasmé.
Sur ces bases, je vais vous proposer un tissage qui servira de modèle général pour la prise en charge des troubles sexuels féminins par l’hypnose.
Repérages nécessaires :
Ces repérages s’appuient sur 5 points : l’observation clinique au sens large, l’évitement de l’interprétation trop rapide et directe, l’utilisation du matériel de la patiente, le décodage psychopathologique, la place du symptôme dans l’économie de vie de la patiente.
- L’observation clinique : je reprendrai volontiers à mon compte la définition d’Albert Ciccone (2) : « L’observation suppose d’aller vers le réel pour découvrir une nouveauté au-delà de ce qui se présente sous l’apparence du déjà connu. Observer suppose une position nouvelle, en rupture avec ce qui a orienté jusque-là le regard. » Chaque patiente, par son histoire singulière, va apporter son lot de surprises et c’est en cela aussi que notre disponibilité, notre écoute attentive et cette dimension d’attention est essentielle.
Si cette observation se base sur certains critères objectifs (écoute des mots utilisés, langage du corps, expressions émotionnelles non verbales, utilisation de l’espace…), elle reste néanmoins aussi une construction car le psychisme (et les effets psychiques du vécu sexuel) n’est observable qu’à partir de ce qu’il produit. Observer, écouter, c’est d’abord pour le thérapeute en hypnose, commencer par être au plus simple de cette observation : que dit, que montre la patiente ? C’est à partir de cette position basse (chère à Erickson) que les dérives pourront être éviter.
- Ainsi le piège de l’interprétation nous est toujours tendu et parfois même par la patiente elle-même dans des relations simplistes de causes à effets. Méfions-nous donc des interprétations trop rapides et directes qui peuvent stériliser le travail dans des certitudes. (Exemple : ces femmes qui arrivent en faisant le lien immédiat entre un abus sexuel et leur problématique actuelle et qui l’exprime en première intention.)
- Pour mettre en œuvre ce tissage thérapeutique grâce à l’hypnose, il nous faut faire avec ce que nous avons, c’est-à-dire ce que nous avons glané grâce à l’observation et aux éléments de vie apportés par la femme en souffrance dans sa sexualité. La pelote se déroulera au fur et à mesure dans le respect du rythme de la patiente. C’est pourquoi les premiers entretiens en sexologie ne doivent en aucun cas être des « interrogatoires ». Il doivent être un savant mélange de questions précises (ne jamais perdre de vue la dimension physiologique et la question de l’information sexuelle qui est souvent simplement nécessaire), mais aussi de temps de silence et d’élaboration naissante. Le travail psychique du thérapeute, sa « cuisine » interne, sa capacité de penser tout en étant avec l’autre, sera là primordial.
- Le décodage psychopathologique (au sens large et en restant prudent dans les étiquettes) me semble essentiel, d’où une formation adéquate. En effet, la demande sexuelle se situe toujours sur un mode de fonctionnement qui la colore et la prise ne charge en hypnose peut beaucoup gagner à ce décodage. (Exemple : quand « l’obsessionalisation » d’un symptôme sexuel avec envahissement psychique - « je n’arrive pas à obtenir d’orgasme, je ne pense qu’à cela » - implique un évitement et stérilise la capacité de relation.)
Autre exemple, ou bien quand la sexualité n’est opérante qu’au début des relations avec un effet répétitif de perte de désir à terme, montrant la nature uniquement séductrice dans un seul but, capter l’autre affectivement dans une sexualité que j’appelle « hameçon » - on pourrait dire de nature hystérique ! Le travail là sera de permettre à la patiente de dépasser ce stade de la construction de sa sexualité en l’aidant à grandir en reprenant les différentes phases de son évolution et en en inventant de nouvelles.
- Enfin, la place du symptôme sexuel n’est souvent qu’une porte d’entrée pour exprimer autre chose, soit un trouble relationnel, soit une souffrance psychique et une fragilité d’une nature très profonde. Alors, certes on peut toujours dire que le patient fait son travail tout seul, mais notre devoir de professionnel est aussi de pouvoir repérer « ce qui n’est pas visible pour les yeux » pour pouvoir éventuellement l’utiliser en hypnose. Ce repérage peut mener aussi à ne pas faire d’hypnose, en tout cas à ne pas l’utiliser intentionnellement, même si on considère que c’est un accès naturel au monde intérieur.
Voici donc les éléments de base de notre tissage posé. Venons-en à l’ouvrage.
Celui-ci sera la résultante d’un subtil mélange de singularité, de compétences, de créativité, de souplesse dans la relation, mais surtout du savant mélange de l’utilisation de l’hypnose, de l’élaboration verbale et non verbale avec le thérapeute et entre les séances, et du temps nécessaire propre à chaque patiente.
La trame
Chaque femme qui consulte arrive avec son parcours sexuel inscrit dans son parcours de vie et dans son intimité. Il s’agit d’une construction consciente et inconsciente qui introduit le symptôme et son sens dans ce temps particulier de la demande. Plusieurs fils de trame se dégagent, et allons du plus simple au plus complexe :
- Quelle place a la fonctionnalité sexuelle dans la vie de cette femme ? Est-elle au premier plan, au deuxième voire au dixième plan de ses préoccupations ? Sait-elle déjà en expérimenter les facettes pour elle-même ? Se vit-elle comme un objet (de l’autre) ou comme un sujet à part entière ? De quelle nature est sa sexualité, pulsionnelle, animale, mécanique ou spiritualiste dans une quête d’absolu ? Fonctionne-t-elle uniquement en recherche du reflet que l’autre va lui renvoyer ? Est-elle dans cette demande de satisfaction immédiate et sans faille, ou cherche-t-elle au contraire à satisfaire l’autre à tout prix ? Est-elle dans cette perpétuelle exigence de perfection ou au contraire se vit-elle comme victime ? Privilégie-t-elle le courant tendre plutôt que le courant sensuel et sexuel ?
- Cela questionne sur le rapport au corps et aux sensations : quel est son rapport à son anatomie ? Accepte-t-elle son corps et sous quelle forme ? Dans son image ou plutôt comme un corps intégré dans son intériorité ? Expérimente-t-elle sa sensorialité au quotidien mais aussi dans sa sexualité ? Accepte-t-elle de se laisser surprendre par de nouvelles sensations ? Est-elle fermée ou inhibée, défensive, s’interdisant tout accès au corps ? Le rapport au corps, c’est aussi celui de la somatisation et nous savons qu’elles s’inscrivent de façon spécifique plus ou moins pour chacune. C’est aussi le cas de la douleur et de son corrolaire, la peur.
- En découle tout naturellement la question du plaisir sexuel pour cette femme : est-il intégré, accepté, vécu dans la globalité ou partiellement, ou se met-elle en position d’observatrice (mise en œuvre de la « pulsion scopique ou scopophilie » chère à Gérard Bonnet) (3), si fréquent dans la symptomatologie sexuelle, dans cette mise en œuvre de l’« écart », la distance qui protège de l’engagement ? Au fond, a-t-elle plus de plaisir à se regarder faire que de faire ? Sait-elle donner et recevoir ? Le plaisir sexuel nécessite l’activation de la charnière du vécu corporel et d’une « disponibilité » psychique (apprendre à abandonner des cognitions répétitives, des certitudes, les anticipations négatives…). Comment se situe-t-elle sur la route de son plaisir ?
- La place des représentations sur sa propre sexualité : quelle est la place de l’interdit ou de l’autorisation (maternel, paternel, parental…) ? Comment la « loi intérieure », cette petite voix qui dit « non » ou ce que j’appelle « l’œil de Moscou », dit en un mot, le Surmoi, intervient-elle dans l’ensemble de la construction ? Y a-t-il une fidélité à la ligne transgénérationnelle du même sexe (la mère, la grand-mère…) ?
Ceci pose la question des identifications et de leur rôle positif ou négatif. Y a-t-il une trace mémorisée et comme introjectée (Ferenczi), parole, attitudes, gestes autour du versant « sale » et moralisateur de la sexualité ? Quelle est la place des croyances, quant à la sexualité féminine et masculine, les croyances n’étant la plupart du temps que des transmissions conscientes ou inconscientes, volontaires ou involontaires, mais qui font mouche ! Les gestes, bien sûr, mais aussi les mots peuvent tuer dans l’œuf une sexualité naissante !
- L’imaginaire est-il actif dans ce processus d’intégration de la sexualité dans toutes ses composantes ? Y a-il un potentiel refoulé ou au contraire exploitable ou exploité chez cette femme ?
- La relation à l’autre : comment inscrit-elle la difficulté ? Sommes-nous en présence d’une demande détournée ? Quelle est la place du lien ? Quels rôles sont-ils joués ?
- La « ligne du désir » est-elle vivante ? Entre recherche et annulation, entre désirer « désirer » et refuser, voire ignorer l’élan… Peut-elle accepter d’avoir du désir ? Est-elle capable d’être souple quant à son désir ?
Peut-elle ou sait-elle exprimer son désir ? Peut-elle accepter la variation de son désir et celui de l’autre ? Ne cherche-t-elle qu’à être rassurée par le désir de l’autre dans une quête de reconnaissance ? (Moi Idéal et Idéal du Moi en distinction chère à Freud). Le désir sexuel est-il une arme de pouvoir sur l’autre, sur l’homme ? Quel est aussi le sens du refus ?
Autant de questions qui mériteraient d’être approfondies, points qui traversent les différents symptômes et, en se croisant, dressent le paysage tout à fait singulier de la sexualité de cette femme qui consulte, à un certain moment de sa vie, dans un certain contexte relationnel. Ils servent de grille à la prise en charge en hypnose des troubles sexuels.
Celui-ci sera la résultante d’un subtil mélange de singularité, de compétences, de créativité, de souplesse dans la relation, mais surtout du savant mélange de l’utilisation de l’hypnose, de l’élaboration verbale et non verbale avec le thérapeute et entre les séances, et du temps nécessaire propre à chaque patiente.
La trame
Chaque femme qui consulte arrive avec son parcours sexuel inscrit dans son parcours de vie et dans son intimité. Il s’agit d’une construction consciente et inconsciente qui introduit le symptôme et son sens dans ce temps particulier de la demande. Plusieurs fils de trame se dégagent, et allons du plus simple au plus complexe :
- Quelle place a la fonctionnalité sexuelle dans la vie de cette femme ? Est-elle au premier plan, au deuxième voire au dixième plan de ses préoccupations ? Sait-elle déjà en expérimenter les facettes pour elle-même ? Se vit-elle comme un objet (de l’autre) ou comme un sujet à part entière ? De quelle nature est sa sexualité, pulsionnelle, animale, mécanique ou spiritualiste dans une quête d’absolu ? Fonctionne-t-elle uniquement en recherche du reflet que l’autre va lui renvoyer ? Est-elle dans cette demande de satisfaction immédiate et sans faille, ou cherche-t-elle au contraire à satisfaire l’autre à tout prix ? Est-elle dans cette perpétuelle exigence de perfection ou au contraire se vit-elle comme victime ? Privilégie-t-elle le courant tendre plutôt que le courant sensuel et sexuel ?
- Cela questionne sur le rapport au corps et aux sensations : quel est son rapport à son anatomie ? Accepte-t-elle son corps et sous quelle forme ? Dans son image ou plutôt comme un corps intégré dans son intériorité ? Expérimente-t-elle sa sensorialité au quotidien mais aussi dans sa sexualité ? Accepte-t-elle de se laisser surprendre par de nouvelles sensations ? Est-elle fermée ou inhibée, défensive, s’interdisant tout accès au corps ? Le rapport au corps, c’est aussi celui de la somatisation et nous savons qu’elles s’inscrivent de façon spécifique plus ou moins pour chacune. C’est aussi le cas de la douleur et de son corrolaire, la peur.
- En découle tout naturellement la question du plaisir sexuel pour cette femme : est-il intégré, accepté, vécu dans la globalité ou partiellement, ou se met-elle en position d’observatrice (mise en œuvre de la « pulsion scopique ou scopophilie » chère à Gérard Bonnet) (3), si fréquent dans la symptomatologie sexuelle, dans cette mise en œuvre de l’« écart », la distance qui protège de l’engagement ? Au fond, a-t-elle plus de plaisir à se regarder faire que de faire ? Sait-elle donner et recevoir ? Le plaisir sexuel nécessite l’activation de la charnière du vécu corporel et d’une « disponibilité » psychique (apprendre à abandonner des cognitions répétitives, des certitudes, les anticipations négatives…). Comment se situe-t-elle sur la route de son plaisir ?
- La place des représentations sur sa propre sexualité : quelle est la place de l’interdit ou de l’autorisation (maternel, paternel, parental…) ? Comment la « loi intérieure », cette petite voix qui dit « non » ou ce que j’appelle « l’œil de Moscou », dit en un mot, le Surmoi, intervient-elle dans l’ensemble de la construction ? Y a-t-il une fidélité à la ligne transgénérationnelle du même sexe (la mère, la grand-mère…) ?
Ceci pose la question des identifications et de leur rôle positif ou négatif. Y a-t-il une trace mémorisée et comme introjectée (Ferenczi), parole, attitudes, gestes autour du versant « sale » et moralisateur de la sexualité ? Quelle est la place des croyances, quant à la sexualité féminine et masculine, les croyances n’étant la plupart du temps que des transmissions conscientes ou inconscientes, volontaires ou involontaires, mais qui font mouche ! Les gestes, bien sûr, mais aussi les mots peuvent tuer dans l’œuf une sexualité naissante !
- L’imaginaire est-il actif dans ce processus d’intégration de la sexualité dans toutes ses composantes ? Y a-il un potentiel refoulé ou au contraire exploitable ou exploité chez cette femme ?
- La relation à l’autre : comment inscrit-elle la difficulté ? Sommes-nous en présence d’une demande détournée ? Quelle est la place du lien ? Quels rôles sont-ils joués ?
- La « ligne du désir » est-elle vivante ? Entre recherche et annulation, entre désirer « désirer » et refuser, voire ignorer l’élan… Peut-elle accepter d’avoir du désir ? Est-elle capable d’être souple quant à son désir ?
Peut-elle ou sait-elle exprimer son désir ? Peut-elle accepter la variation de son désir et celui de l’autre ? Ne cherche-t-elle qu’à être rassurée par le désir de l’autre dans une quête de reconnaissance ? (Moi Idéal et Idéal du Moi en distinction chère à Freud). Le désir sexuel est-il une arme de pouvoir sur l’autre, sur l’homme ? Quel est aussi le sens du refus ?
Autant de questions qui mériteraient d’être approfondies, points qui traversent les différents symptômes et, en se croisant, dressent le paysage tout à fait singulier de la sexualité de cette femme qui consulte, à un certain moment de sa vie, dans un certain contexte relationnel. Ils servent de grille à la prise en charge en hypnose des troubles sexuels.
La chaîne
Il n’y a pas de technique privilégiée pour chaque symptôme sexuel. Pour rester concret, nous allons voir comment sur cette trame la spécificité de l’hypnose, en ce qu’elle propose de travailler sur les ressources soupçonnées ou insoupçonnées de nos patientes, mêlée à l’application des techniques hypnotiques précises et sous-tendue par la création en mouvement dans le processus thérapeutique et la relation, le tissage va se concrétiser.
1 – L’axe corporel :
Créer une cartographie
Travailler avec et sur le corps en hypnose est un parti pris qui va permettre plusieurs ouvertures : l’attention/absorption va permettre une ouverture du champ de conscience corporel grâce à l’introduction de la relaxation musculaire et articulaire, mais aussi de l’attention portée sur les différents états toniques du corps, et notamment la comparaison entre certaines parties du corps plus tendues que d’autres.
Ceci peut aussi se concrétiser par la visualisation de parties du corps plus « claires » ou plus « sombres » faisant déjà appel à la représentation interne, afin de permettre à la patiente d’établir une sorte de cartographie de son corps en utilisant les couleurs et le relief. Ce travail sera d’abord global puis cette cartographie va s’affiner petit à petit au fil des séances et les zones d’ombre vont peu à peu s’éclairer, favorisant l’intégration des parties du corps ignorées ou niées. Cette cartographie s’appuiera aussi sur la « mémoire du corps ».
Le chemin sensorialité-sensualité-sexualité
Cette cartographie va s’enrichir du travail sur les cinq sens. Permettre à la patiente, dans un premier temps, de prendre conscience et d’expérimenter à travers l’état d’hypnose les sens qui lui sont les plus actifs puis de développer ceux qui sont « en retrait », va lui permettre d’élargir sa palette également dans la sensualité. Un saut (on peut voir avec ses oreilles, toucher avec ses yeux…) sera alors nécessaire pour que la patiente fasse passer ces ensembles d’expériences du côté du sexuel.
Cette découverte, qui passe par l’écoute de son corps avec l’aide d’induction autour du jeu des sensations diverses (chaleur, fraîcheur, lourdeur ou légèreté, fluidité, ondulation, vibration, rythmes…), va lui permettre d’accéder progressivement à ce qui est souvent la source des retenues, l’acceptation de l’excitation corporelle et sexuelle. Le travail de la psychothérapie verbale fera ici son œuvre à travers la relation thérapeutique.
Voyager dans son corps, visiter son sexe, s’appuyer sur la physiologie.
Cette étape est très importante. Nous constatons en effet que nombre de femmes ont une image de leur corps sexué très floue voire inexistante. Leur permettre à travers l’expérience hypnotique de nouer un contact de l’intérieur d’elles- mêmes, d’accéder à travers la visualisation/sensation à leur image corporelle consciente et inconsciente (voir les travaux de Schiller sur « l’image du corps » (4) et de Françoise Dolto sur « L’image inconsciente du corps » (5)) est très important dans la démarche d’acceptation de leur corps sexué. Ceci peut se faire en plusieurs étapes et sur différents plans :
- Les étapes : découvertes de leurs zones érogènes, attention portée sur leurs zones sexuelles externes, voyage dans le corps avec découverte de la vacuité (vagin et utérus) mettant d’emblée en évidence le distinguo entre zone de plaisir et zone maternelle. En ce sens, les travaux de Monique Schneider (« Le paradigme féminin » (6)) sont très utiles : le temps de la germination, la naissance de la féminité à partir d’un corps d’enfant, les questions de l’effraction, expulsion dans la métaphore de l’invasion du territoire interne, la question de l’existence de la « demeure interne », le seuil de la porte et le « laisser-passer », le statut de l’autre en tant qu’intrus ou invité, le sexe comme « contrée habituellement placée sous le signe d’un interdit de parole », la menace de « l’effraction du vivant », de la protection de la « virginité virtuelle », du passage du « trou » au « creux »…
- Les plans : suivant les patientes, on peut partir d’éléments rationnels comme les planches anatomiques, la courbe de la physiologie sexuelle, ou utiliser les représentations de la patiente (évoquées lors de l’entretien), ou bien encore proposer des métaphores.
- La respiration
Utiliser le souffle comme vecteur de prise de conscience du corps sexué n’est pas une « invention » des techniques hypnotiques. C’est même la base de nombre d’approches orientales, méditation, yoga, etc. L’originalité ici, outre la relaxation qu’elle induit, est que dans l’état hypnotique, le souffle va être orienté et servir de lien. La respiration abdominale, le souffle dirigé (dans diverses parties du corps et dans la zone sexuelle interne et externe) va aider à établir ces liens, à recréer des espaces internes et à prendre conscience des mouvements possibles et acceptables en toute sécurité.
- Dialogue entre les différentes parties du corps.
Quand on sait la distorsion entre ce qui se passe entre la tête et le corps (« Je voudrais connaître le plaisir mais mon corps dit non » ; ou bien « Je suis capable d’avoir du plaisir mais je n’ai jamais envie… autrement dit, ma tête dit non… »), permettre « l’envoi de messages » entre les différentes parties du corps peut être très utile.
L’objectif de cette première étape est la modification de la relation au corps à la zone sexuelle sur le plan anatomique et fonctionnel. Cette évolution se fera grâce à l’intégration cognitive qui se produit grâce à l’hypnose de façon très spécifique : attention/absorption-plongée dans l’inconscient corporel, accès au conscient à travers la concrétisation dans le vécu corporel et la mise en mots qui permettent une sorte de métabolisation, puis retour à l’inconscient des nouvelles donnes pour générer le changement.
Il est important, et cela dépendra de la structure de personnalité de la patiente, de lui laisser le choix d’un fonctionnement volontaire ou involontaire dans les premières séances qui, étant donné la matière sensible, peuvent être source de résistance.
Il n’y a pas de technique privilégiée pour chaque symptôme sexuel. Pour rester concret, nous allons voir comment sur cette trame la spécificité de l’hypnose, en ce qu’elle propose de travailler sur les ressources soupçonnées ou insoupçonnées de nos patientes, mêlée à l’application des techniques hypnotiques précises et sous-tendue par la création en mouvement dans le processus thérapeutique et la relation, le tissage va se concrétiser.
1 – L’axe corporel :
Créer une cartographie
Travailler avec et sur le corps en hypnose est un parti pris qui va permettre plusieurs ouvertures : l’attention/absorption va permettre une ouverture du champ de conscience corporel grâce à l’introduction de la relaxation musculaire et articulaire, mais aussi de l’attention portée sur les différents états toniques du corps, et notamment la comparaison entre certaines parties du corps plus tendues que d’autres.
Ceci peut aussi se concrétiser par la visualisation de parties du corps plus « claires » ou plus « sombres » faisant déjà appel à la représentation interne, afin de permettre à la patiente d’établir une sorte de cartographie de son corps en utilisant les couleurs et le relief. Ce travail sera d’abord global puis cette cartographie va s’affiner petit à petit au fil des séances et les zones d’ombre vont peu à peu s’éclairer, favorisant l’intégration des parties du corps ignorées ou niées. Cette cartographie s’appuiera aussi sur la « mémoire du corps ».
Le chemin sensorialité-sensualité-sexualité
Cette cartographie va s’enrichir du travail sur les cinq sens. Permettre à la patiente, dans un premier temps, de prendre conscience et d’expérimenter à travers l’état d’hypnose les sens qui lui sont les plus actifs puis de développer ceux qui sont « en retrait », va lui permettre d’élargir sa palette également dans la sensualité. Un saut (on peut voir avec ses oreilles, toucher avec ses yeux…) sera alors nécessaire pour que la patiente fasse passer ces ensembles d’expériences du côté du sexuel.
Cette découverte, qui passe par l’écoute de son corps avec l’aide d’induction autour du jeu des sensations diverses (chaleur, fraîcheur, lourdeur ou légèreté, fluidité, ondulation, vibration, rythmes…), va lui permettre d’accéder progressivement à ce qui est souvent la source des retenues, l’acceptation de l’excitation corporelle et sexuelle. Le travail de la psychothérapie verbale fera ici son œuvre à travers la relation thérapeutique.
Voyager dans son corps, visiter son sexe, s’appuyer sur la physiologie.
Cette étape est très importante. Nous constatons en effet que nombre de femmes ont une image de leur corps sexué très floue voire inexistante. Leur permettre à travers l’expérience hypnotique de nouer un contact de l’intérieur d’elles- mêmes, d’accéder à travers la visualisation/sensation à leur image corporelle consciente et inconsciente (voir les travaux de Schiller sur « l’image du corps » (4) et de Françoise Dolto sur « L’image inconsciente du corps » (5)) est très important dans la démarche d’acceptation de leur corps sexué. Ceci peut se faire en plusieurs étapes et sur différents plans :
- Les étapes : découvertes de leurs zones érogènes, attention portée sur leurs zones sexuelles externes, voyage dans le corps avec découverte de la vacuité (vagin et utérus) mettant d’emblée en évidence le distinguo entre zone de plaisir et zone maternelle. En ce sens, les travaux de Monique Schneider (« Le paradigme féminin » (6)) sont très utiles : le temps de la germination, la naissance de la féminité à partir d’un corps d’enfant, les questions de l’effraction, expulsion dans la métaphore de l’invasion du territoire interne, la question de l’existence de la « demeure interne », le seuil de la porte et le « laisser-passer », le statut de l’autre en tant qu’intrus ou invité, le sexe comme « contrée habituellement placée sous le signe d’un interdit de parole », la menace de « l’effraction du vivant », de la protection de la « virginité virtuelle », du passage du « trou » au « creux »…
- Les plans : suivant les patientes, on peut partir d’éléments rationnels comme les planches anatomiques, la courbe de la physiologie sexuelle, ou utiliser les représentations de la patiente (évoquées lors de l’entretien), ou bien encore proposer des métaphores.
- La respiration
Utiliser le souffle comme vecteur de prise de conscience du corps sexué n’est pas une « invention » des techniques hypnotiques. C’est même la base de nombre d’approches orientales, méditation, yoga, etc. L’originalité ici, outre la relaxation qu’elle induit, est que dans l’état hypnotique, le souffle va être orienté et servir de lien. La respiration abdominale, le souffle dirigé (dans diverses parties du corps et dans la zone sexuelle interne et externe) va aider à établir ces liens, à recréer des espaces internes et à prendre conscience des mouvements possibles et acceptables en toute sécurité.
- Dialogue entre les différentes parties du corps.
Quand on sait la distorsion entre ce qui se passe entre la tête et le corps (« Je voudrais connaître le plaisir mais mon corps dit non » ; ou bien « Je suis capable d’avoir du plaisir mais je n’ai jamais envie… autrement dit, ma tête dit non… »), permettre « l’envoi de messages » entre les différentes parties du corps peut être très utile.
L’objectif de cette première étape est la modification de la relation au corps à la zone sexuelle sur le plan anatomique et fonctionnel. Cette évolution se fera grâce à l’intégration cognitive qui se produit grâce à l’hypnose de façon très spécifique : attention/absorption-plongée dans l’inconscient corporel, accès au conscient à travers la concrétisation dans le vécu corporel et la mise en mots qui permettent une sorte de métabolisation, puis retour à l’inconscient des nouvelles donnes pour générer le changement.
Il est important, et cela dépendra de la structure de personnalité de la patiente, de lui laisser le choix d’un fonctionnement volontaire ou involontaire dans les premières séances qui, étant donné la matière sensible, peuvent être source de résistance.
2 – L’axe imaginaire :
Celui-ci va s’entendre en hypnose au sens large et va comporter plusieurs portes d’accès. L’hypnose étant une thérapie active, l’une ou l’autre porte sera choisie en fonction des capacités de la patiente à spontanément s’évader, notre rôle étant de l’aider à avoir accès à des ressources créatives jusque-là insoupçonnées.
Porte n° 1 : partir du vécu à travers le souvenir fondateur de l’érotisation. .
Porte n° 2 : utiliser les éléments d’expérience de la sexualité de la patiente, aussi ténus soient-ils, recueillis dans les entretiens.
Porte n° 3 : l’utilisation de la métaphore. Cette porte est double : elle peut partir d’un induction à partir de l’histoire de la patiente et s’inventer à deux au fil de la séance. Elle peut aussi être une proposition construite du thérapeute en s’appuyant soit sur un conte, soit sur un script. Elle peut aussi partir d’un rêve nocturne ou d’une rêverie diurne.
La dimension symbolique est là essentielle. C’est elle qui va permettre l’ouverture vers un « au-delà du symptôme », de se dégager d’un réel trop anxiogène et qui entraîne dans la spirale de l’échec si connue en sexologie.
C’est cette dimension qui va ouvrir la porte du sens. Chaque femme ira où elle le souhaitera, où elle le pourra aussi. Nous avons à les accompagner sur ce chemin sans a priori et surtout sans être dogmatique. L’utilisation de symboles universels à travers les métaphores (je pense à la rose ou à l’eau, symbole de féminité… mais aussi la métaphore de la maison, avec l’usage des différentes pièces de la cave au grenier… les patientes anorgasmiques restent souvent sur le palier !), peuvent être de belles opportunités pour ce travail. Tout ce qui tourne autour de la vacuité, du contenant et du contenu, voyage dans une belle grotte aux merveilles insoupçonnées, jardin extraordinaire, luxuriant et sensuel, découverte de malle aux trésors, traversées de forêts merveilleuses…
La métaphore de l’arbre puissant et sécurisant peut servir d’appui à l’introduction de la dimension virile et masculine… Ce ne sont que des exemples et le thérapeute en hypnose doit être adaptable, c’est sa qualité première ! Et ceci est d’autant plus vrai en matière de troubles sexuels.
Porte n° 4 : les métaphores faisant référence à la sexualité et à l’érotisme.
Il s’agit, en quelque sorte, que la patiente se permette d’être son propre « metteur en scène » en inventant ou réinventant le passé, le présent et l’avenir de la sexualité. Ainsi, ces métaphores peuvent intégrer des éléments clés de l’histoire de la patiente.
L’important est dans un premier temps d’utiliser des évocations floues qui ne sont que des débuts d’aventures, d’éviter les descriptions sexuelles précises ou crues, toujours dans le souci du respect de l’imaginaire de l’autre et pour éviter toute suggestion trop directe et risque de projection.
La bibliothérapie, utilisation de textes à des fins thérapeutiques, peut être d’une aide précieuse, à condition que le choix des textes soit judicieux. Ici, deux possibilités : demander à la patiente de choisir ses textes, ou les lui proposer en fonction de ce que l’on a repéré, mais dans tous les cas l’élaboration verbale sera nécessaire et servira de base à la suite du travail.
3 – Le travail sur le temps
Si la construction et sa fonctionnalité de la sexualité s’inscrit dans le temps de la naissance à la mort, elle est aussi très sensible au temps qui passe pour les hommes, pour les femmes comme pour les couples.
Tout d’abord, nous avons vu que le temps « féminin » est avant tout cyclique (règles, maternité, ménopause…) et que la sexualité féminine s’inscrit dans un mouvement de vie avec des grandes étapes de bouleversement physiologiques et psychologiques.
Deuxième point : les processus d’anticipation négative, proche de ce qu’Araoz (7) appelle « l’auto-hypnose négative », sont extrêmement actifs dans les troubles de la sexualité et induisent souvent un renforcement du symptôme.
C’est sur ce socle du temps que la déstabilisation sexuelle s’installe.
Les techniques de la régression en âge et de la distorsion du temps, utilisées en hypnose, trouvent toute leur place dans ce contexte.
La régression en âge : un retour sur les premiers apprentissages, les premiers émois sensuels et sexuels, mais aussi, si cela est judicieux, sur les premiers rapports sexuels ou les étapes qui jalonnent l’histoire sexuelle et relationnelle de la patiente, permettent de la réinventer (ou des séquences) avec une nouvelle perspective.
La distorsion du temps : il est très subtil de faire un travail sur la réduction des effets émotionnels des épisodes traumatiques.
Dans le cas des abus sexuels et de leur impact sur la sexualité, temps et espace sont intimement liés. Par son effraction, l’agresseur n’a pas seulement endommagé le « territoire » intime, il l’occupe durablement. C’est souvent ce sentiment d’envahissement qui est évoqué par les patientes qui ont subi des abus ou des viols. Nous voyons ici poindre des métaphores liées à « l’envahisseur » et aux territoires possédés ou libérés…
Le pont affectif : il fait référence à la méthode de transfert de Watkins (8). La patiente est dirigée vers l’expérience de sentiments et des sensations reliés au problème sexuel actuel. Elle peut les intensifier jusqu’à ce qu’un « pont » se fasse vers un événement ancien ayant produit le même effet. Les ponts peuvent ainsi permettre une régression vers plusieurs époques de la vie. Après ce mouvement de régression, on peut envisager une progression vers l’avenir…
4 – Dissociation, association et paradoxe
Voyons les définitions théorico-cliniques de la dissociation :
En neurologie : il désignait dans le langage médical des premiers neurologues des troubles liés à des lésions organiques des faisceaux associatifs intra-cérébraux. Cet usage a disparu avec le temps.
En psychanalyse et psychiatrie : le psychiatre suisse Bleuler qui va reprendre ce terme dans le cadre de la schizophrénie en tant qu’éléments pathognomoniques de la psychose, la spaltung. Ce terme a d’ailleurs été à l’origine de nombreuses discussions au sein de la communauté psychanalytique, en particulier au niveau des traductions : discordance, rupture, fêlure, cassure et enfin, terme freudien, clivage.
Erickson : dans « Innovations en hypnothérapie » (9), voici la définition qu’Erickson donne de la dissociation, mécanisme principal de l’hypnose : « On pourrait ainsi définir l’hypnose comme un état de suggestibilité artificiellement accrue, semblable au sommeil, dans lequel il semble y avoir une dissociation entre éléments “conscients” et “subconscients” du psychisme, dissociation normale, limitée dans le temps, et n’intéressant que certains stimuli. » Pour la grande majorité des praticiens de l’hypnose, la dissociation est le phénomène déterminant de l’hypnose. Il est aussi très opérant dans les troubles sexuels.
Pour compléter ce bref panorama, il est nécessaire de s’arrêter sur les travaux des pères fondateurs du concept : Janet et Hilgard.
Pierre Janet : il fut le tout premier psychologue clinicien. Dans son ouvrage principal, « L’Automatisme psychologique », Pierre Janet confirme le caractère psychopathologique de la dissociation, impliquant une part du psychisme échappant au sujet qu’il appellera le « subconscient ».
La dissociation désigne pour Janet un défaut « de logique des émotions », un défaut de cohérence et d’activité intrapsychique, un trouble fonctionnel de la conscience, considérée non pas comme modifiée mais comme rétrécie. Notons que ce terme de dissociation n’a cessé d’évoluer au fil de l’œuvre de Janet. Désagrégation, division de la conscience, hystérie par division de la personnalité. Nous sommes au XIXe siècle avant l’avènement de la psychanalyse dans une conception psychopathologique de la dissociation.
Le passage à une dissociation, mécanisme normal du psychisme humain, est théorisé par Ernest Hilgard et l’observateur caché. Ce concept est issu de l’hypnose expérimentale, expérience de Stanford, confirmé par des expériences d’analgésie hypnotique. L’observateur caché serait un système opérant en dehors de la conscience, une sorte de vigilance non consciente, partie du psychisme qui serait une forme de « veille » alors que d’autres parties seraient détachées de la réalité environnante. L’« observateur caché » peut être très opérant dans les troubles sexuels. Freud insiste sur la notion de « clivage » (spaltung), résultat d’un conflit entre instance psychiques puis à l’intérieur du Moi, lui-même prenant la forme d’un mécanismes de défense, le déni.
Eléments diagnostiques
Les deux mécanismes de défense, déni et dénégation, sont à l’œuvre dans de nombreux symptômes sexuels féminins à travers leur corollaire, le refus (10), socle de la dissociation
Celui-ci va s’entendre en hypnose au sens large et va comporter plusieurs portes d’accès. L’hypnose étant une thérapie active, l’une ou l’autre porte sera choisie en fonction des capacités de la patiente à spontanément s’évader, notre rôle étant de l’aider à avoir accès à des ressources créatives jusque-là insoupçonnées.
Porte n° 1 : partir du vécu à travers le souvenir fondateur de l’érotisation. .
Porte n° 2 : utiliser les éléments d’expérience de la sexualité de la patiente, aussi ténus soient-ils, recueillis dans les entretiens.
Porte n° 3 : l’utilisation de la métaphore. Cette porte est double : elle peut partir d’un induction à partir de l’histoire de la patiente et s’inventer à deux au fil de la séance. Elle peut aussi être une proposition construite du thérapeute en s’appuyant soit sur un conte, soit sur un script. Elle peut aussi partir d’un rêve nocturne ou d’une rêverie diurne.
La dimension symbolique est là essentielle. C’est elle qui va permettre l’ouverture vers un « au-delà du symptôme », de se dégager d’un réel trop anxiogène et qui entraîne dans la spirale de l’échec si connue en sexologie.
C’est cette dimension qui va ouvrir la porte du sens. Chaque femme ira où elle le souhaitera, où elle le pourra aussi. Nous avons à les accompagner sur ce chemin sans a priori et surtout sans être dogmatique. L’utilisation de symboles universels à travers les métaphores (je pense à la rose ou à l’eau, symbole de féminité… mais aussi la métaphore de la maison, avec l’usage des différentes pièces de la cave au grenier… les patientes anorgasmiques restent souvent sur le palier !), peuvent être de belles opportunités pour ce travail. Tout ce qui tourne autour de la vacuité, du contenant et du contenu, voyage dans une belle grotte aux merveilles insoupçonnées, jardin extraordinaire, luxuriant et sensuel, découverte de malle aux trésors, traversées de forêts merveilleuses…
La métaphore de l’arbre puissant et sécurisant peut servir d’appui à l’introduction de la dimension virile et masculine… Ce ne sont que des exemples et le thérapeute en hypnose doit être adaptable, c’est sa qualité première ! Et ceci est d’autant plus vrai en matière de troubles sexuels.
Porte n° 4 : les métaphores faisant référence à la sexualité et à l’érotisme.
Il s’agit, en quelque sorte, que la patiente se permette d’être son propre « metteur en scène » en inventant ou réinventant le passé, le présent et l’avenir de la sexualité. Ainsi, ces métaphores peuvent intégrer des éléments clés de l’histoire de la patiente.
L’important est dans un premier temps d’utiliser des évocations floues qui ne sont que des débuts d’aventures, d’éviter les descriptions sexuelles précises ou crues, toujours dans le souci du respect de l’imaginaire de l’autre et pour éviter toute suggestion trop directe et risque de projection.
La bibliothérapie, utilisation de textes à des fins thérapeutiques, peut être d’une aide précieuse, à condition que le choix des textes soit judicieux. Ici, deux possibilités : demander à la patiente de choisir ses textes, ou les lui proposer en fonction de ce que l’on a repéré, mais dans tous les cas l’élaboration verbale sera nécessaire et servira de base à la suite du travail.
3 – Le travail sur le temps
Si la construction et sa fonctionnalité de la sexualité s’inscrit dans le temps de la naissance à la mort, elle est aussi très sensible au temps qui passe pour les hommes, pour les femmes comme pour les couples.
Tout d’abord, nous avons vu que le temps « féminin » est avant tout cyclique (règles, maternité, ménopause…) et que la sexualité féminine s’inscrit dans un mouvement de vie avec des grandes étapes de bouleversement physiologiques et psychologiques.
Deuxième point : les processus d’anticipation négative, proche de ce qu’Araoz (7) appelle « l’auto-hypnose négative », sont extrêmement actifs dans les troubles de la sexualité et induisent souvent un renforcement du symptôme.
C’est sur ce socle du temps que la déstabilisation sexuelle s’installe.
Les techniques de la régression en âge et de la distorsion du temps, utilisées en hypnose, trouvent toute leur place dans ce contexte.
La régression en âge : un retour sur les premiers apprentissages, les premiers émois sensuels et sexuels, mais aussi, si cela est judicieux, sur les premiers rapports sexuels ou les étapes qui jalonnent l’histoire sexuelle et relationnelle de la patiente, permettent de la réinventer (ou des séquences) avec une nouvelle perspective.
La distorsion du temps : il est très subtil de faire un travail sur la réduction des effets émotionnels des épisodes traumatiques.
Dans le cas des abus sexuels et de leur impact sur la sexualité, temps et espace sont intimement liés. Par son effraction, l’agresseur n’a pas seulement endommagé le « territoire » intime, il l’occupe durablement. C’est souvent ce sentiment d’envahissement qui est évoqué par les patientes qui ont subi des abus ou des viols. Nous voyons ici poindre des métaphores liées à « l’envahisseur » et aux territoires possédés ou libérés…
Le pont affectif : il fait référence à la méthode de transfert de Watkins (8). La patiente est dirigée vers l’expérience de sentiments et des sensations reliés au problème sexuel actuel. Elle peut les intensifier jusqu’à ce qu’un « pont » se fasse vers un événement ancien ayant produit le même effet. Les ponts peuvent ainsi permettre une régression vers plusieurs époques de la vie. Après ce mouvement de régression, on peut envisager une progression vers l’avenir…
4 – Dissociation, association et paradoxe
Voyons les définitions théorico-cliniques de la dissociation :
En neurologie : il désignait dans le langage médical des premiers neurologues des troubles liés à des lésions organiques des faisceaux associatifs intra-cérébraux. Cet usage a disparu avec le temps.
En psychanalyse et psychiatrie : le psychiatre suisse Bleuler qui va reprendre ce terme dans le cadre de la schizophrénie en tant qu’éléments pathognomoniques de la psychose, la spaltung. Ce terme a d’ailleurs été à l’origine de nombreuses discussions au sein de la communauté psychanalytique, en particulier au niveau des traductions : discordance, rupture, fêlure, cassure et enfin, terme freudien, clivage.
Erickson : dans « Innovations en hypnothérapie » (9), voici la définition qu’Erickson donne de la dissociation, mécanisme principal de l’hypnose : « On pourrait ainsi définir l’hypnose comme un état de suggestibilité artificiellement accrue, semblable au sommeil, dans lequel il semble y avoir une dissociation entre éléments “conscients” et “subconscients” du psychisme, dissociation normale, limitée dans le temps, et n’intéressant que certains stimuli. » Pour la grande majorité des praticiens de l’hypnose, la dissociation est le phénomène déterminant de l’hypnose. Il est aussi très opérant dans les troubles sexuels.
Pour compléter ce bref panorama, il est nécessaire de s’arrêter sur les travaux des pères fondateurs du concept : Janet et Hilgard.
Pierre Janet : il fut le tout premier psychologue clinicien. Dans son ouvrage principal, « L’Automatisme psychologique », Pierre Janet confirme le caractère psychopathologique de la dissociation, impliquant une part du psychisme échappant au sujet qu’il appellera le « subconscient ».
La dissociation désigne pour Janet un défaut « de logique des émotions », un défaut de cohérence et d’activité intrapsychique, un trouble fonctionnel de la conscience, considérée non pas comme modifiée mais comme rétrécie. Notons que ce terme de dissociation n’a cessé d’évoluer au fil de l’œuvre de Janet. Désagrégation, division de la conscience, hystérie par division de la personnalité. Nous sommes au XIXe siècle avant l’avènement de la psychanalyse dans une conception psychopathologique de la dissociation.
Le passage à une dissociation, mécanisme normal du psychisme humain, est théorisé par Ernest Hilgard et l’observateur caché. Ce concept est issu de l’hypnose expérimentale, expérience de Stanford, confirmé par des expériences d’analgésie hypnotique. L’observateur caché serait un système opérant en dehors de la conscience, une sorte de vigilance non consciente, partie du psychisme qui serait une forme de « veille » alors que d’autres parties seraient détachées de la réalité environnante. L’« observateur caché » peut être très opérant dans les troubles sexuels. Freud insiste sur la notion de « clivage » (spaltung), résultat d’un conflit entre instance psychiques puis à l’intérieur du Moi, lui-même prenant la forme d’un mécanismes de défense, le déni.
Eléments diagnostiques
Les deux mécanismes de défense, déni et dénégation, sont à l’œuvre dans de nombreux symptômes sexuels féminins à travers leur corollaire, le refus (10), socle de la dissociation