Un chapeau melon et une cravate, un pardessus sombre sur une chemise blanche, silhouette parfois multipliée à l’infini de face ou de dos, tombant parfois du ciel comme une pluie dans ‘’Golconde’’ ou regroupées en grappe devant une fenêtre pour d’improbables’’ Vendanges’’, voici René Magritte. Plébiscité par les adolescents qui tapissent les murs de leurs chambres de ses posters, cloné par les publicitaires, exposé dans tous les musées d’art moderne du monde, Magritte nous a laissé un héritage artistique conséquent.
Les critiques artistiques semblent avoir tout dit de lui, pourtant une facette de sa personnalité mérite d’être examinée plus attentivement : celle de Magritte, le magicien, l’enchanteur, le thérapeute.
René Magritte, né à Lessines en 1898 et décédé à Bruxelles en1967, a fait ses études à l’Académie de Bruxelles. Il y a développé une activité influencée par les recherches d’avant-garde comme le futurisme, le cubisme, l’orphisme, l’expressionnisme. En 1923, il découvre la peinture de Giorgio De Chirico et s’approche ainsi peu à peu des idées du surréalisme.
Plus qu’un nouveau style, le surréalisme est une nouvelle attitude face à la vie, à partir des théories freudiennes réhabilitant l’inconscient, le rêve et l’imagination, l’automatisme psychique. Le hasard est promu comme principe régulateur de la vie et de l’art, au-delà de la raison et de la logique. Dès 1925, peintres et poètes signent un manifeste affirmant le surréalisme comme moyen de libération de l’esprit et de tout ce qui lui ressemble. Peintres, sculpteurs, poètes se proposent de mettre en commun un même idéal ; parmi eux: De Chirico, Klee, Arp, Ernst, Man Ray, Picasso, Miro, Roy, Pellan. Le surréalisme diffuse son influence en Europe dès 1925 avec Magritte et Delvaux en Belgique , Sima et Stirsky en Tchécoslovaquie, Brauner et Hérold en Roumanie, Belmer et Oelze en Allemagne, Dali en Espagne, Savinio en Italie …
En 1926, Magritte correspond avec André Breton et le groupe parisien, et séjourne à Paris de 1927 à 1930. André Breton exigeait pour chacun d’eux un engagement complet qu’il soit poétique, politique ou littéraire. Il fallait selon André Breton une discipline militante vis-à-vis de l’univers ‘’des champs magnétiques’’. Le groupe surréaliste belge affichant une superbe indépendance face aux mots d’ordre de Paris, en peintre libre, Magritte rentre définitivement en Belgique en 1930. Magritte refusa tout symbolisme académique dans sa peinture et prit ses distances vis-à-vis de la psychanalyse. Pourtant on retrouve dans son style tous les éléments du courant de pensée surréaliste, mais plus encore : ses tableaux s’ouvrent sur un monde mystérieux recréant le climat du rêve, transformant par ses images paradoxales la banalité du quotidien en paysage de l’âme.
Magritte montre le chemin aux hypnothérapeutes
Le chemin parcouru par Magritte dans toute sa carrière semble avoir suivi celui de l’évolution des sciences cognitives. Magritte, précurseur, exprime sa volonté de représenter sur ses toiles la vie éveillée qui est la traduction du rêve comme le rêve est la traduction de la vie éveillée. Il, souhaite interpeller chacun de nos sens : la vue qui ne peut qu’être troublée en regardant « Le faux miroir », l’ouïe est sollicitée avec « Un peu de l’âme des bandits » magnifique violoncelle en équilibre sur le col cassé d’un musicien invisible, mais c’est aussi l’ odorat avec le parfum subtil de la rose qui emplit toute une pièce dans « Le tombeau des lutteurs », le goût par ces représentations alimentaires comme celle de « La légende dorée » baguette de pain croustillante apte à déclencher plus d’un réflexe salivaire, le toucher enfin avec la représentation de cette main près de ce rideau de velours de théâtre dans un collage vers 1966.
Bien ancré dans le présent et dans la réalité grâce à cette sollicitation des sens, le rêve et la poésie vont alors plus facilement toucher le spectateur avec plus d’intensité.
Pour Magritte ce n’est pas ce que le tableau montre qui est important c’est ce qu’il suggère. Les images sont des portraits d’idées et non des portraits d’objets ou d’individus.
Selon Claude Cossette l’image préoccupe les humains depuis la nuit des temps; de la préhistoire avec les taureaux des grottes de Lascaux en France, les tortues et oiseaux de la préhistoire québécoise, grandiose témoignage d’une nouvelle manière de regarder le monde, de se confronter à la distinction entre l’apparence et le réel, de le communiquer. L’homme raisonne et laisse des images sur son passage. En laissant des traces « imagiques », l’homme tente de se projeter sur l’univers pour y laisser sa marque, se l’approprier. Ces traces sont magiques aussi parce qu’elles comblent un besoin diffus, mystique : fonctions totémiques, représentations d’esprits tutélaires, anges gardiens des chasseurs algonquins ?
Spirituellement, l’image sert d’intermédiaire entre les dieux et les humains. L’église d’Occident considère l’image comme un lien biblique entre les érudits et ceux qui le sont moins. Les fresques italiennes de Benozzo Gozzoli, Ghirlandaio, Filippo et Filipino Lippi, véritables livres d’histoire en images déplacent encore des foules émerveillées.
Ce sont aussi les fameuses images pieuses manipulées par les fidèles superstitieusement pour les confirmer dans leur croyance.
Dans sa thèse Didier Michaux nous invite à réfléchir sur le sens hypnotique de certains cultes religieux au même titre que le plus grand pourvoyeur d’images actuel qu’est la télévision parce que la force de l’image est universelle.
Pour augmenter l’impact de l’image Magritte va s’aider des mots. Il nous invite à le suivre dans le pays enchanté d’Alice au pays des merveilles. Comme Charles Dodgson, il souhaite apporter une réforme au langage en trois temps successifs : d’abord organiser une démolition en règle de nos idées courantes sur les mots, établir un vocabulaire aux définitions très sûres et enfin émettre des suggestions pour la reconstruction d’un langage à l’abri de toutes ses faiblesses. Dans « La clé des songes » en 1930 les objets les plus courants changent de noms, deviennent provocateurs, créent un paradoxe, une confusion.
Magritte disait que « les mots ont toutes sortes de sens et que les mots peuvent représenter des images, mais pas nécessairement ».Dans « La clé des songes » de 1927 l’image d’un sac à main est dénommée en lettres cursives :Le ciel , un canif ouvert devient L’oiseau . Les mots sont interprétés magistralement avec ou sans images en titre d’une œuvre ou livrés sur le sujet de la toile .Comme Lewis Carroll qui fait dire à Humpty- Dumpty : « C’est moi le maître et les mots veulent donc dire ce que je leur dis de signifier d’ailleurs je les paye pour cela ».L’époque du surréalisme est marquée par ces mots qui surgissent dans le décor même de la toile, catalyseur du sens de l’œuvre. C’est le Coq Licorne de Dallaire, le mot abstinence sur une toile de Pellan.
Magritte dit « Je peins des images qui ne sont pas indifférentes, elles ne sont pas indifférentes car elles sont poétiques » ; on retrouve l’esprit des poèmes d’Eluard ainsi « La terre est bleue comme une orange ».
Paradoxe, constatation impossible, chronologie méconnue, confusion , anticipation. Poésie donc. Magritte avait le don d’un thérapeute apte à induire une transe.
Les critiques artistiques semblent avoir tout dit de lui, pourtant une facette de sa personnalité mérite d’être examinée plus attentivement : celle de Magritte, le magicien, l’enchanteur, le thérapeute.
René Magritte, né à Lessines en 1898 et décédé à Bruxelles en1967, a fait ses études à l’Académie de Bruxelles. Il y a développé une activité influencée par les recherches d’avant-garde comme le futurisme, le cubisme, l’orphisme, l’expressionnisme. En 1923, il découvre la peinture de Giorgio De Chirico et s’approche ainsi peu à peu des idées du surréalisme.
Plus qu’un nouveau style, le surréalisme est une nouvelle attitude face à la vie, à partir des théories freudiennes réhabilitant l’inconscient, le rêve et l’imagination, l’automatisme psychique. Le hasard est promu comme principe régulateur de la vie et de l’art, au-delà de la raison et de la logique. Dès 1925, peintres et poètes signent un manifeste affirmant le surréalisme comme moyen de libération de l’esprit et de tout ce qui lui ressemble. Peintres, sculpteurs, poètes se proposent de mettre en commun un même idéal ; parmi eux: De Chirico, Klee, Arp, Ernst, Man Ray, Picasso, Miro, Roy, Pellan. Le surréalisme diffuse son influence en Europe dès 1925 avec Magritte et Delvaux en Belgique , Sima et Stirsky en Tchécoslovaquie, Brauner et Hérold en Roumanie, Belmer et Oelze en Allemagne, Dali en Espagne, Savinio en Italie …
En 1926, Magritte correspond avec André Breton et le groupe parisien, et séjourne à Paris de 1927 à 1930. André Breton exigeait pour chacun d’eux un engagement complet qu’il soit poétique, politique ou littéraire. Il fallait selon André Breton une discipline militante vis-à-vis de l’univers ‘’des champs magnétiques’’. Le groupe surréaliste belge affichant une superbe indépendance face aux mots d’ordre de Paris, en peintre libre, Magritte rentre définitivement en Belgique en 1930. Magritte refusa tout symbolisme académique dans sa peinture et prit ses distances vis-à-vis de la psychanalyse. Pourtant on retrouve dans son style tous les éléments du courant de pensée surréaliste, mais plus encore : ses tableaux s’ouvrent sur un monde mystérieux recréant le climat du rêve, transformant par ses images paradoxales la banalité du quotidien en paysage de l’âme.
Magritte montre le chemin aux hypnothérapeutes
Le chemin parcouru par Magritte dans toute sa carrière semble avoir suivi celui de l’évolution des sciences cognitives. Magritte, précurseur, exprime sa volonté de représenter sur ses toiles la vie éveillée qui est la traduction du rêve comme le rêve est la traduction de la vie éveillée. Il, souhaite interpeller chacun de nos sens : la vue qui ne peut qu’être troublée en regardant « Le faux miroir », l’ouïe est sollicitée avec « Un peu de l’âme des bandits » magnifique violoncelle en équilibre sur le col cassé d’un musicien invisible, mais c’est aussi l’ odorat avec le parfum subtil de la rose qui emplit toute une pièce dans « Le tombeau des lutteurs », le goût par ces représentations alimentaires comme celle de « La légende dorée » baguette de pain croustillante apte à déclencher plus d’un réflexe salivaire, le toucher enfin avec la représentation de cette main près de ce rideau de velours de théâtre dans un collage vers 1966.
Bien ancré dans le présent et dans la réalité grâce à cette sollicitation des sens, le rêve et la poésie vont alors plus facilement toucher le spectateur avec plus d’intensité.
Pour Magritte ce n’est pas ce que le tableau montre qui est important c’est ce qu’il suggère. Les images sont des portraits d’idées et non des portraits d’objets ou d’individus.
Selon Claude Cossette l’image préoccupe les humains depuis la nuit des temps; de la préhistoire avec les taureaux des grottes de Lascaux en France, les tortues et oiseaux de la préhistoire québécoise, grandiose témoignage d’une nouvelle manière de regarder le monde, de se confronter à la distinction entre l’apparence et le réel, de le communiquer. L’homme raisonne et laisse des images sur son passage. En laissant des traces « imagiques », l’homme tente de se projeter sur l’univers pour y laisser sa marque, se l’approprier. Ces traces sont magiques aussi parce qu’elles comblent un besoin diffus, mystique : fonctions totémiques, représentations d’esprits tutélaires, anges gardiens des chasseurs algonquins ?
Spirituellement, l’image sert d’intermédiaire entre les dieux et les humains. L’église d’Occident considère l’image comme un lien biblique entre les érudits et ceux qui le sont moins. Les fresques italiennes de Benozzo Gozzoli, Ghirlandaio, Filippo et Filipino Lippi, véritables livres d’histoire en images déplacent encore des foules émerveillées.
Ce sont aussi les fameuses images pieuses manipulées par les fidèles superstitieusement pour les confirmer dans leur croyance.
Dans sa thèse Didier Michaux nous invite à réfléchir sur le sens hypnotique de certains cultes religieux au même titre que le plus grand pourvoyeur d’images actuel qu’est la télévision parce que la force de l’image est universelle.
Pour augmenter l’impact de l’image Magritte va s’aider des mots. Il nous invite à le suivre dans le pays enchanté d’Alice au pays des merveilles. Comme Charles Dodgson, il souhaite apporter une réforme au langage en trois temps successifs : d’abord organiser une démolition en règle de nos idées courantes sur les mots, établir un vocabulaire aux définitions très sûres et enfin émettre des suggestions pour la reconstruction d’un langage à l’abri de toutes ses faiblesses. Dans « La clé des songes » en 1930 les objets les plus courants changent de noms, deviennent provocateurs, créent un paradoxe, une confusion.
Magritte disait que « les mots ont toutes sortes de sens et que les mots peuvent représenter des images, mais pas nécessairement ».Dans « La clé des songes » de 1927 l’image d’un sac à main est dénommée en lettres cursives :Le ciel , un canif ouvert devient L’oiseau . Les mots sont interprétés magistralement avec ou sans images en titre d’une œuvre ou livrés sur le sujet de la toile .Comme Lewis Carroll qui fait dire à Humpty- Dumpty : « C’est moi le maître et les mots veulent donc dire ce que je leur dis de signifier d’ailleurs je les paye pour cela ».L’époque du surréalisme est marquée par ces mots qui surgissent dans le décor même de la toile, catalyseur du sens de l’œuvre. C’est le Coq Licorne de Dallaire, le mot abstinence sur une toile de Pellan.
Magritte dit « Je peins des images qui ne sont pas indifférentes, elles ne sont pas indifférentes car elles sont poétiques » ; on retrouve l’esprit des poèmes d’Eluard ainsi « La terre est bleue comme une orange ».
Paradoxe, constatation impossible, chronologie méconnue, confusion , anticipation. Poésie donc. Magritte avait le don d’un thérapeute apte à induire une transe.
Il faut selon Magritte mobiliser toute la logique, la logique de la raison, la logique temporelle et donc les paradoxes et les apories. Les tableaux de Magritte explorent les mondes du paradoxe et de l’illusion, ils provoquent alors des émotions par auto-engloutissement de la réalité.
Magritte cherche à détourner le symbole, crée d’autres symboles identifiables par notre inconscient seulement.
La peinture doit être poésie, la poésie appelle le mystère comme quelque chose de caché, de secret. Parfois le mystère est inaccessible à la raison et il faut l’accepter comme tel. Selon Heidegger, le mystère est inhérent à l’essence de la vérité .On ne peut expliquer le mystère, on peut le pressentir.
Pour Magritte un tableau doit être fulgurant ; il doit susciter chez le spectateur l’intuition du caché. Magritte propose au regard une devinette ambigüe que résout l’intellect. Comme en hypnose, Magritte perturbe le rationnel.
Ainsi donc il crée avec des choses connues, l’inconnu .Le propos de Magritte est de poser des questions sans y apporter de réponses. A la liberté du peintre correspond celle du spectateur. Le discours délivré par le tableau, semblable à une induction de transe, en appelle à l’inconscient du spectateur et à ses réactions secrètes, à la fois par le biais de ce qu’il montre et de ce qu’il ne montre pas, mais qu’il suggère. Il y a des « Souvenirs de voyage » de Pise trop insistants qu’on ne peut ignorer et l’on se retrouve en quête d’un merveilleux fil de conduite jusqu’à notre dernier jour : être cette plume souple et douce et soutenir cette tour !
Définir l’endroit où chercher nos ressources, on pense à Erickson et son arrière boutique pleine de stocks. Savoir faire la part de ce que le patient ose dire du non dit qui le rend douloureux, malade, inquiet.
Définir l’apparent, le caché. Qu’y a t-il derrière le réel, derrière la réalité qui cache toujours autre chose ? D’abord examiner les choses et les objets en leur objectivité même, Objectivité qui passe au second plan dès lors que surviennent les lumières du mystère caché là.
Des éléments dans la peinture de Magritte, en s’opposant provoquent un choc tout à fait apte à mettre « l’esprit en éveil », à le conduire sur le chemin de la pensée et des interrogations. Peindre la pensée qui peut être peinte, c’est assurément prendre la peinture comme un révélateur, un catalyseur c’est aussi un exercice d’intelligence.
Magritte nous change. C’est le mystère Magritte. Il nous fait prendre conscience que ressembler est un acte qui n’appartient qu’à la pensée, c’est devenir la chose que l’on prend avec soi. C’est ce que l’on pense qui est, parce que l’on pense, les choses deviennent compréhensibles. L’acte essentiel de la pensée est de devenir connaissance. La beauté de ses œuvres nous laisse cette joie; « un bienheureux étonnement intérieur »,une jubilation. Les patients ne s’y trompent pas.
Magritte est lui aussi un thérapeute hors du commun, un thérapeute moderne.
Magritte fait resurgir des souvenirs de traumatismes gravés dans la mémoire, occultés par des censures qui préfèrent se manifester par des pathologies. Le fusil de chasse ensanglanté appuyé négligemment sur le mur tapissé de papier fleuri du couloir reste évocateur avec son titre « Le survivant ». Cette femme des « Jours gigantesques » se démène pour éviter deux mains monstrueuses palpant le haut de sa cuisse, son visage est terrorisé et refuse de regarder cette partie d’un homme découpé que le peintre a représenté de dos.
Ce corps qui repousse l’agresseur en dit plus long que des années d’analyse. Avec « L’assassin menacé » s’agirait-il de rappeler à certain une macabre découverte ? Enfin la tentative de suicide dans « Echec et mat » laisse peu d’ambigüité face à ce revolver. Toutes ces œuvres deviennent support pour révéler une violence enfouie trop difficile à exprimer, au milieu d’autres œuvres le souvenir est perçu tout à coup comme plus banal, exprimable puisque ces œuvres sont vues par des milliers de gens qui visitent les musées ou regardent des livres d’art.
Magritte cherche à détourner le symbole, crée d’autres symboles identifiables par notre inconscient seulement.
La peinture doit être poésie, la poésie appelle le mystère comme quelque chose de caché, de secret. Parfois le mystère est inaccessible à la raison et il faut l’accepter comme tel. Selon Heidegger, le mystère est inhérent à l’essence de la vérité .On ne peut expliquer le mystère, on peut le pressentir.
Pour Magritte un tableau doit être fulgurant ; il doit susciter chez le spectateur l’intuition du caché. Magritte propose au regard une devinette ambigüe que résout l’intellect. Comme en hypnose, Magritte perturbe le rationnel.
Ainsi donc il crée avec des choses connues, l’inconnu .Le propos de Magritte est de poser des questions sans y apporter de réponses. A la liberté du peintre correspond celle du spectateur. Le discours délivré par le tableau, semblable à une induction de transe, en appelle à l’inconscient du spectateur et à ses réactions secrètes, à la fois par le biais de ce qu’il montre et de ce qu’il ne montre pas, mais qu’il suggère. Il y a des « Souvenirs de voyage » de Pise trop insistants qu’on ne peut ignorer et l’on se retrouve en quête d’un merveilleux fil de conduite jusqu’à notre dernier jour : être cette plume souple et douce et soutenir cette tour !
Définir l’endroit où chercher nos ressources, on pense à Erickson et son arrière boutique pleine de stocks. Savoir faire la part de ce que le patient ose dire du non dit qui le rend douloureux, malade, inquiet.
Définir l’apparent, le caché. Qu’y a t-il derrière le réel, derrière la réalité qui cache toujours autre chose ? D’abord examiner les choses et les objets en leur objectivité même, Objectivité qui passe au second plan dès lors que surviennent les lumières du mystère caché là.
Des éléments dans la peinture de Magritte, en s’opposant provoquent un choc tout à fait apte à mettre « l’esprit en éveil », à le conduire sur le chemin de la pensée et des interrogations. Peindre la pensée qui peut être peinte, c’est assurément prendre la peinture comme un révélateur, un catalyseur c’est aussi un exercice d’intelligence.
Magritte nous change. C’est le mystère Magritte. Il nous fait prendre conscience que ressembler est un acte qui n’appartient qu’à la pensée, c’est devenir la chose que l’on prend avec soi. C’est ce que l’on pense qui est, parce que l’on pense, les choses deviennent compréhensibles. L’acte essentiel de la pensée est de devenir connaissance. La beauté de ses œuvres nous laisse cette joie; « un bienheureux étonnement intérieur »,une jubilation. Les patients ne s’y trompent pas.
Magritte est lui aussi un thérapeute hors du commun, un thérapeute moderne.
Magritte fait resurgir des souvenirs de traumatismes gravés dans la mémoire, occultés par des censures qui préfèrent se manifester par des pathologies. Le fusil de chasse ensanglanté appuyé négligemment sur le mur tapissé de papier fleuri du couloir reste évocateur avec son titre « Le survivant ». Cette femme des « Jours gigantesques » se démène pour éviter deux mains monstrueuses palpant le haut de sa cuisse, son visage est terrorisé et refuse de regarder cette partie d’un homme découpé que le peintre a représenté de dos.
Ce corps qui repousse l’agresseur en dit plus long que des années d’analyse. Avec « L’assassin menacé » s’agirait-il de rappeler à certain une macabre découverte ? Enfin la tentative de suicide dans « Echec et mat » laisse peu d’ambigüité face à ce revolver. Toutes ces œuvres deviennent support pour révéler une violence enfouie trop difficile à exprimer, au milieu d’autres œuvres le souvenir est perçu tout à coup comme plus banal, exprimable puisque ces œuvres sont vues par des milliers de gens qui visitent les musées ou regardent des livres d’art.