Mots clés et phrases utiles en pré-anesthésie. Formation Hypnose et Congrès 2007

Utiliser l’hypnose au bloc opératoire
Philippe Dumontier
Formation Hypnose
Formation Hypnose Ericksonienne



J’ai rencontré Paul-Henri Mambourg lors de l’Université d’été organisé par Patrick Bellet à Vaison-la-Romaine, en juillet 2006. Paul-Henri Mambourg m’a encouragé à venir vous faire part, ici, de ma pratique quotidienne :

Je suis anesthésiste-réanimateur et travaille à Angers dans un établissement privé de 110 lits de chirurgie à vocation essentiellement orthopédique. Le cadre est celui de cette spécialité et je ne parlerai donc pas de maternité ou d’autres spécialités… mais certainement plus d’anesthésie loco-régionale.. Je fais partie d’une équipe de 7 anesthésistes-réanimateurs, 8 chirurgiens orthopédistes, 5 chirurgiens de la main. Je crois que je suis le seul à pratiquer l’hypnose… en le disant… et le seul à être formé… Mais, depuis le temps, j’ai l’impression que mes collègues me copient un peu…

Deuxième préambule : je ne pratique pas et ne parlerai pas de l’hypno-sédation telle que on peut la pratiquer sur le modèle de Marie-Elisabeth Faymonville. (quoique cela me soit arrivé quelques fois… comme par accident)
Troisième préambule : je m’abstiendrai de faire un exposé théorique. Ce n’est pas le but d’une table ronde, et de bons spécialistes (et éventuellement théoriciens s’il en faut ici) ne sont pas loin…
Quatrième préambule : 15 minutes, c’est court ! trop court pour développer tout ce que j’avais annoncé dans le bandeau d’accroche !
Enfin, je n’utilise pas systématiquement tout ce que je vais décrire, pour tous les patients. Surtout pour ceux qui n’ont pas peur. Vous savez ce qu’adaptation, créativité et interaction veulent dire !
Mais, quand cela commence-t-il ? Ça commence à la consultation pré-anesthésique.

La consultation pré-anesthésique.
C’est le moment privilégié d’une rencontre. Outre l’aspect purement médical et anesthésique, (antécédents médicaux chirurgicaux, examen clinique, traitements, allergie, intubation, classification ASA, etc… appréciation et information du risque général et particulier, consentement éclairé…) il s’agit aussi d’apprécier l’anxiété du patient, en lui offrant la possibilité de dire, de verbaliser ses peurs… dans ce cas, il est intéressant de lui permettre de ressentir que nous reconnaissons sa peur. Elle existe, elle est là, et nous la prenons en compte, sans la nier, et sans la magnifier. Écoutons les patients…
Je n’hésite pas à placer le mot « peur » dans la conversation. Par exemple : « Ce n’est pas toujours très agréable de se faire opérer… Il y a des moments plus agréables dans la vie… C’est vrai, Ça fait parfois un peu peur… »
« Et vous, vous auriez plus peur de quoi au juste ? »
Et la personne parle de ne pas se réveiller, de se réveiller au milieu de l’anesthésie, de subir, de dépendre, d’être obligé de faire confiance, de n’avoir pas le choix, de ne pas savoir ce qu’on va faire, comment ça va se passer, d’avoir mal après, de ne pas être autonome dans les mois qui vont suivre, ou… de laisser son petit chat tout seul… « Vous ne savez pas trop ? » Ne pas chercher à savoir. Pas forcément. Certains disent : « Vous savez, moi, je suis anxieux de tout, c’est dans ma nature… »
On peut faire comprendre que la peur, l’angoisse, ça varie, ça bouge. Donc que ça ne peut pas diminuer. Et que, au passage, nous (les ARE) sommes plutôt là pour qu’elle diminue avec l’utilisation de l’échelle analogique de peur. C’est la réglette de l’EVA : Echelle Visuelle Analogique. C’est celle qui est utilisée pour visualiser l’intensité de la douleur. Il en existe une très spéciale pour la peur, que j’ai contribué à mettre au point. Elle fonctionne très bien, sauf pour ceux qui ont une polyathrite ou une pathologie digitale parce qu’il faut utiliser son pouce et son index. Lorsque l’index appuie sur le pouce, la peur est à zéro. Lorsque l’index est le plus éloigné du pouce, l’empan le plus grand, la peur pourrait être maximale… à 10.
« Et vous, en ce moment, vous seriez plutôt où ? à 3, à 4 ? »
« Si vous dépassez 5 pour aller vers 6, vous me prévenez, j’interviens. » Mais je peux vous apprendre quelque chose pour que ça baisse…
L’avantage de cet outil EVAD (échelle visuelle analogique digitale) est que vous l’avez toujours avec vous. ( même dans le métro, ou lors d’un topo comme celui-ci… ) et le patient également…
L’hypnose peut être utilisée pour donner l’exemple qu’en très peu de temps il est possible de créer une détente, d’apaiser une anxiété en invitant le patient à se caler un peu mieux sur le siège où il est assis, à se concentrer sur quelques respirations… là, voilà… Expérience de nouvelles sensations corporelles et de détente…

Dans la consultation préopératoire, comme je suis orienté « peur », je m’enquiers parfois des antécédents d’attaque de panique ou diverses phobies, en particulier les phobies des piqûres, Celles-ci peuvent bénéficier d’une désensibilisation à minima, rapide et efficace, adaptée des techniques de désensibilisation des thérapies comportementales et cognitives.
Pour les fumeurs, il est utile et rentable de faire une sensibilisation à l’arrêt du tabac. C’est le conseil minimal antitabac. Celle-ci consiste à ne poser qu’une seule question : « Quand arrêtez-vous de fumer ? ». Des études ont montré que la consultation à minima avait comme effet d’être suivie dans l’année de 4% d’arrêt du tabagisme.

Il n’est plus possible en 2007 de prescrire une prémédication systématique par benzodiazépine pour tous les patients. La prémédication doit être adaptée, c’est-à-dire le plus souvent possible : pas ou peu de prémédication ou quasi placebo.
Il n’est plus licite d’utiliser les benzodiazépines pour provoquer une amnésie de la situation.
La prémédication peut toujours se faire au bloc opératoire selon l’anxiété du patient après avoir accueilli le patient et avoir établi un lien avec lui. De plus, quelle est la valeur d’une nouvelle information donnée au patient alors qu’il est sous l’influence d’une benzodiazépine ?
Dans notre expérience quotidienne, cette attitude de pauci-prémédication est tout à fait satisfaisante.
Autre outil utile parfois : apprendre à respirer. « Voulez-vous faire un exercice ? »
« Vous vous installez un peu mieux sur la chaise, vous concentrez votre attention sur la respiration. Vous respirez… vous appréciez les sensations…
Vous avez déjà fait ça ? vous pouvez fermer les yeux… »
Etc… (cela dure trois minutes.) « Vous faites très bien cela… voilà… Maintenant, vous vous sentez comment ? » « Cette technique vous appartient maintenant
où que vous soyez… vous pouvez vous en servir quand vous voulez… »

La peur fondamentale, celle que l’on perçoit le plus souvent en préanesthésie, est le fait de redouter la perte du contrôle de la situation. Tout ce qui permet au patient d’avoir le sentiment d’avoir la liberté de contrôler une partie de l’action, de garder une certaine autonomie, lui est bénéfique et l’apaise. Et ceci dès la consultation préopératoire.


Au bloc opératoire.
Un exemple choisi pour illustrer une rencontre au bloc opératoire avec l’accueil du patient en utilisant l’hypnose conversationnelle.
« Bonjour Mr. Je suis le Dr. X, c’est moi qui vais prendre soin de vous, pour l’anesthésie. » Je me démasque un instant, pour que le patient puisse voir mon visage, et si possible mon sourire.
« Êtes vous bien installé, là ? Voulez-vous vous installer mieux ? »
« Vous êtes rentré quand à la clinique ? Avez-vous bien dormi cette nuit ?
Vous n’avez pas bien dormi cette nuit ? »
Première phrase utile : « Qu’est-ce qui s’est passé ? » « La douleur, et puis, un peu d’anxiété, vous dites » (Répéter ou reformuler.)
Après cela seulement, je prends connaissance du dossier.
« Ce n’est pas très confortable d’être ici. Vous êtes un peu… … ? »
« Est-ce que vous avez peur ? …. Bon ! c’est un peu normal. C’est pas très drôle d’être ici…. » Si besoin, je remets en route l’EVAD :
« Bon, je vais vous expliquer…. Regardez …. ça, c’est la peur maximale… » Je montre l’empan maximum entre le pouce et l’index tendus. « Ça, c’est dix. Et ça, c’est : pas de peur du tout (le pouce touche l’index). ’Vous, vous êtes où ? Allez du maximum, les deux doigts complètement écartés vers le minimum. » ( ainsi on montre que la peur ne peut que diminuer ) et le patient arrête en cours de la diminution.

Ratifier en disant : « Bon, vous êtes à 5 environ. D’accord. Ça va. »
( on peut comprendre : « Bon, la peur : c’est terrible, mais on a presque déjà un peu ‘’joué’’ avec. » En tous cas, elle a été prise en compte, et même ça peut bouger, et plutôt dans le bon sens. Y aurait-il une échelle ? et peut-être un rhéostat ? )
Je donne le déroulement, les séquences : « Pour vous, il y a plusieurs étapes. D’abord, mettre la perfusion, puis faire l’anesthésie locale, encore attendre un peu que tout soit prêt, et enfin dans la salle d’opération mettre le médicament dans le tuyau de la perfusion, pour faire l’anesthésie générale. »
Une phrase utile simple pour induire un état d’hypnose : « Vous êtes droitier ou gaucher ? » Les gens hésitent toujours. Surprise. Ils réfléchissent. Confusion.
« Droitier ? Je placerai la perfusion au bras gauche, comme ça vous pourrez vous gratter le nez avec le bras droit si vous le voulez. D’accord ? »
Autre phrase utile : « Quelle est votre activité professionnelle ? » Puis peu de temps après , l’autre phrase très utile : « Qu’est-ce que vous aimez faire quand vous voulez vous détendre ? » ( suggestion de détente, sans injonction ! )
Utiliser la réponse ou la reformuler, si besoin. Ratifier : « Oui, vous aimez le jardinage. Super ! qu’est-ce que vous aimez faire dans le jardinage ? »
« Les roses ! Alors je suis sûr que vous pourriez les voir, vos rosiers, si vous vouliez fermer les yeux… » « Mais vous pouvez à tout moment garder complètement le contrôle de la situation. » Paradoxe !
« En particulier vous pouvez respirer tranquillement, calmement, régulièrement, pendant que je prépare les médicaments. » Si besoin : « Et maintenant, vous voulez m’aider ? »
« Oui…. Alors vous savez ce qu’il faut faire pour m’aider ? »
« Non ? Et bien… c’est simple,…. je vais vous le dire… Pour m’aider,…. il faut … ne rien faire. Juste respirer. Respirer, … régulièrement… »
Et là, c’est parti : « Vous respirez un peu plus profondément, calmement, là…
Vous êtes toujours dans le jardin ? »
« Je vais placer la perfusion. ( Je ne prononce jamais le mot piqûre, et très peu souvent aiguille. Utiliser le mot placer, mettre.)
Fermez le poing. Voilà, serrez fort les muscles de l’avant-bras pour fermer le poing. Voilà… C’est bien. »

Je me suis entraîné à faire la ponction veineuse au milieu de l’avant-bras, et non pas au pli du coude, ceci sans mettre de garrot sur le bras. Pourquoi ? Parce que ça me détend d’être concentré et ça ne m’ennuie pas d’être avec le patient, en hypnose moi-même, et comme je suis un peu paresseux, ça m’évite de chercher un garrot ! Ça évite aussi au patient de ressentir la contrainte du garrot qui serre le bras, ça évite (je pense) de faire revenir par conditionnement des images de piqûres précédentes. Ainsi la situation est vraiment différente. (Cf TCC)
Pour provoquer une vasodilatation au point de ponction, il suffit de taper légèrement, plusieurs fois, du bout de l’index, sans forcer, sur le segment de veine choisi. Un réflexe vasomoteur localisé produit une vasodilatation évidente et la plupart du temps bien suffisante.
« Parfois dans votre jardin lorsque vous taillez vos rosiers, ça peut vous arriver de vous piquer avec une branche. » Attendre … « Oui ! bon, ce n’est pas agréable, mais ce n’est pas si terrible, alors, ici, ça peut être pareil. »
« Voilà. J’y vais »
« Voilà, c’est fait… »

Attention : troisième phrase utile : « Lâchez tout ! » c’est la seule injonction que je me permette lors de toute la séance. Et là, le patient desserre le poing, mais lâche aussi tout le tonus qu’il avait fait venir dans le reste du corps. Il lâche aussi tout ce que son inconscient veut bien lâcher en même temps…
C’est aussi l’utilisation du principe de la relaxation différentielle de Jacobson.
« Voilà la première étape est terminée. C’est fixé avec l’adhésif ici, c’est solide, vous pouvez bouger le bras si vous voulez… ! » ( autonomie !)
Accompagner chaque geste d’une parole. Je prépare « les ingrédients », je prépare le médicament pour l’anesthésie locale.
Pour l’anesthésie locale, je dépose le médicament dans l’espace où passent les nerfs. « Le médicament est un isolant qui va isoler votre bras ( votre pied ou telle zone corporelle ) du reste du corps. »
Suggestion : votre bras ( votre pied etc… ) va être isolé du reste du corps.
« Quand le médicament se résorbera, tard dans l’après-midi, la soirée, votre bras va se rattacher, ( suggestion de réunification du corps ) vous retrouverez toutes vos sensations, et la douleur va essayer de s’installer… » Pour la douleur j’utilise le mot essayer et fait un petit topo sur la douleur pour expliquer au patient la gestion quasi préventive de la douleur. Et notamment l’anticipation de la douleur de ponction : « Est-ce que ça pique ? Est-ce que ça fait mal ? »
Une réponse possible : « Vous allez sentir quelque chose. Ce n’est pas agréable, mais vous me direz ce que vous avez vraiment ressenti. »
Alors ce que je ne m’entends plus dire : « Ça va bien se passer. Tout le monde supporte. Ça ne rate jamais. Détendez-vous ? Restez calme ! Calmez vous ! »
Je ne dis jamais « Je vais essayer », « Je vais tenter »… encore moins, « On va essayer de… » « On ». « On va faire… ». Mais: « Je vais faire, je vais placer… » C’est fou le nombre de choses que je place : la perfusion, les électrodes, l’oxymètre de pouls, le masque sur le visage parfois. Et même le patient sur le chariot ou la table d’opération, en disant : « Prenez place, ou prenez votre place, là… »

Quelle réflexion pourrait sous-tendre cette pratique ? Permettre au patient de vivre cet épisode d’intervention chirurgicale, portant sur son corps, qui mobilise des peurs archaïques, comme faisant partie de sa vie, ayant sa juste place dans son histoire personnelle, lui permettant de mobiliser le moins possible ses mécanismes de défense.


Rédigé le 18/12/2008 modifié le 12/12/2008
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