L'Hypnose après les Traumas Sexuels Graves. Par Meriam Mahbouli. Revue Hypnose & Thérapies Brèves

Déjà retrouver du contrôle...



L’idée de cette réflexion est venue à la suite d’une rencontre, en consultation de psychiatrie, avec une patiente ayant été victime de traumatismes sexuels au cours de son enfance.
Son cas semble bien illustrer d’une part les différentes manifestations des états de stress post-traumatique, et d’autre part l’évolution positive de ces symptômes après utilisation d’une approche par l’hypnose.
Ceci nous a amenés à nous interroger sur les différentes applications de cette technique dans la prise en charge des symptômes post-traumatiques et des troubles co-morbides.

La notion d’état de stress post-traumatique

Le mot traumatisme vient du mot grec qui signifie « blessure » ou « plaie qui s’est violemment produite ». L’autre signification de ce mot, en psychiatrie, est une expérience émotionnelle ou un choc qui a un effet psychique persistant.

Les troubles psychiatriques traumatiques existent probablement depuis que l’humanité a pu élaborer une certaine représentation de la mort. Des auteurs anciens en ont déjà fait des descriptions cliniques. On peut mentionner notamment : Hérodote, Pinel, Janet, Freud.

Ceux ou celles qui subissent des agressions sexuelles, notamment dans l’enfance, doivent passer par un long cheminement thérapeutique. Ils doivent à la fois se battre contre eux-mêmes, leurs angoisses, leur culpabilité, leurs souvenirs obsédants, et surtout contre leur impuissance en face d’un événement qui fait basculer leur vie et leurs repères. Ils doivent aussi affronter leur entourage et le regard de l’autre.

L’incidence de l’état de stress post-traumatique dans la population est pratiquement la même que celle de la schizophrénie, c’est-à-dire environ 1 % de la population.

La moitié à peu près des personnes confrontées à un événement traumatique évolueront vers une forme chronique. D’où l'importance de développer des stratégies thérapeutiques efficaces.

Quel rapport entre l’état hypnotique et l’ESPT ?

Il semble que les signes de dissociation psychique (indépendamment du diagnostic de l’Etat de Stress Post-Traumatique) soient extrêmement fréquents chez les sujets traumatisés, particulièrement quand le traumatisme est survenu dans l’enfance et qu’il a été répété. Ainsi, Anderson, Yasenik et Ross avancent un taux de 88 % d’adultes dissociés parmi les victimes d’abus sexuels dans l’enfance.

Les deux états (de dissociation et transe hypnotique), en apparence si éloignés, sont pourtant proches à de multiples égards :
1) Ce sont les perceptions, les sensations‬ qui y sont au premier plan, bien avant la parole ou‬ la réflexion.‬
2) Ces deux états ont en commun une perte‬ partielle ou complète des fonctions normales‬ d’intégration des souvenirs, de la conscience de‬ l’identité et du contrôle des mouvements corporels.‬

Depuis les études de Spiegel sur l’hypnose, il est‬ démontré que les sujets atteints de syndrome de‬ stress post-traumatique sont plus facilement et plus‬ profondément hypnotisables que les autres. Ces‬ études montrent aussi l’importance de l’aspect‬ dissociatif dans le syndrome de stress post-traumatique et dans sa symptomatologie.
Un autre travail a également souligné que les personnes ayant un score élevé de stress post-traumatique présentaient le plus souvent un score élevé dans la faculté d’être hypnotisées et un score élevé au niveau de l’imagerie mentale, les deux pouvant prédisposer ces sujets à des perturbations d’ordre dissociatif ou alors à des conversions.

L’hypnotisabilité élevée des sujets dissociés est la première raison qui doit pousser à réfléchir sur l’intérêt de l’hypnothérapie pour les cas de dissociation traumatique. La dissociation, recadrée par l’hypnothérapeute, pourrait dès lors être utilisée à des fins thérapeutiques. De plus, le patient pourrait sous hypnose apprendre à mieux gérer sa dissociation pathologique, voire à la contrôler lorsqu’elle survient de manière inopportune, intrusive et parasitante.
Dans le cas particulier des adultes qui ont survécu à des abus sexuels de l'enfance, cette approche permet d’aider les patients à trouver le soulagement des symptômes qui dérivent de l’abus sexuel, à modifier les sentiments liés aux souvenirs du traumatisme afin que les flash-back deviennent moins prégnants, et à développer une vision claire, positive et saine de l’avenir.
L’hypnose a des indications larges, mais en matière d’agressions sexuelles, plusieurs auteurs la déconseillent parce qu’elle pourrait être comprise comme une remise en actes d’un processus de domination (emprise, agressions sexuelles, violences) qui est le fondement même de la relation entre un prédateur et une victime. De plus, toutes les thérapies hypnotiques, et au-delà suggestives, sont contre-indiquées dans le cadre des souvenirs tardifs de viols subis dans l’enfance, lesquels pourraient être greffés par des thérapeutes au cours de psychothérapies suggestives ou « régressives », comme le recommande le Royal College of Psychiatry (Royaume-Uni) dans ce cadre particulier.


Présentation d’une situation clinique

Madame A., âgée de 56 ans, consulte pour une symptomatologie anxio-dépressive.
On trouve la notion d’alcoolisations massives occasionnelles dans un objectif d’anxiolyse où elle boit seule après le travail.
Elle a été suivie pour des dépressions récurrentes, depuis 1986.
Elle était sous antidépresseurs depuis plusieurs mois et elle n’avait pas noté d’amélioration de sa symptomatologie.
Mme A. est issue d’une fratrie de 9 (2 garçons et 7 filles) ; elle a un demi-frère et une demi-sœur du côté de sa mère. Elle a deux autres demi-frères issus d’une relation incestueuse de son père avec sa demi-sœur.
Elle a quitté la maison parentale à 16 ans avec sa sœur, en fuyant sa famille sans prévenir.
Elle a passé quelques années en Angleterre et a suivi une formation qui lui a permis de trouver le poste qu’elle occupe jusqu’à ce jour.
Elle est divorcée depuis 1986 et a élevé seule sa fille âgée aujourd’hui de 27 ans. Cette dernière s’est mariée il y a un an et est actuellement enceinte.
La patiente n’a pas refait sa vie, vit seule dans son appartement et entretient une relation fusionnelle avec sa fille.

Au cours des premières consultations, la patiente décrit des symptômes dépressifs francs, des ruminations anxieuses générant par moments des idées suicidaires, une symptomatologie post-traumatique assez sévère et des conduites d’évitement : elle n’a pratiquement aucun lien social. Elle parle souvent de l’ambiance incestueuse qui régnait chez elle quand elle était enfant, décrit les images intrusives de son père avec sa demi-sœur : son père partageait le lit avec sa belle-fille, il n’arrêtait pas de menacer ses filles de leur réserver le même sort. Néanmoins, elle dit qu’il ne l’avait jamais touchée. Sa mère aurait été témoin de ces agissements sans jamais réagir. Cette dernière buvait beaucoup et partait, soudain et pendant des semaines, de la maison ; elle revenait à chaque fois enceinte de nouveau.

Au bout de la 4e consultation avec cette patiente, je fis le constat que la symptomatologie ne faisait qu’amplifier malgré la majoration des psychotropes… Devant l’angoisse qui ne cessait de s’intensifier et qui me paralysait également, je décidai de tenter l’hypnose…

Dans l’abord des syndromes psychotraumatiques par l’hypnose, plusieurs techniques hypnotiques peuvent être utilisées.

‪Pour le syndrome de stress post-traumatique, ‬l’induction lente par fixation d’un point dessiné sur‬ la main peut être proposée. Elle permet‬ au thérapeute de réconforter le patient sur sa‬ capacité à préserver un contrôle sur ce qui se‬ déroule durant l’induction et de le rassurer en‬ insistant sur le fait qu’il reste conscient, qu’il est‬ dans un cabinet de consultation, qu’il continue à‬ percevoir les bruits venant de l’extérieur tout en‬ pouvant se détendre.‬

‪On peut suggérer au patient qu’il a un talent pour‬ l’hypnose et pour la dissociation. Il peut utiliser‬ ce talent à son profit. Malgré son anxiété, il peut se‬ détendre et vivre une expérience de relâchement‬ en toute sécurité.‬ La lévitation du bras comme les expériences‬ d’anesthésie ou d’engourdissement d’un doigt ou‬ de la main peuvent être utilisées comme preuves‬ de cette capacité à contrôler une série de sensations‬ qu’il rencontre au travers de son corps.
‪La base de la technique hypnotique inclut la‬ relaxation, la possibilité d’évoquer un lieu sûr et‬ des suggestions.
Durant la première séance d’hypnothérapie, la‬ recherche de ce lieu sûr et relaxant permet d’ouvrir un espace où le sujet se sent protégé des‬ pensées intrusives dont il souffre. ‪Cette utilisation élémentaire de l’hypnose est‬ très souvent utile pour aider les personnes à se‬ relaxer et à retrouver un sentiment de bien-être.‬
Dans cette optique, l’hypnose est considérée‬ comme une thérapie plutôt palliative que curative.‬ Elle aide la personne à se sentir mieux et à pouvoir‬ développer ses relations interpersonnelles.‬

‪L’hypnose permet aussi au sujet de retrouver‬ un espace psychique ludique dans lequel il peut‬ se mouvoir.
‪Lorsque l’on veut aider le patient à revivre‬ l’événement traumatique, une technique consiste‬ à suggérer au patient particulièrement anxieux‬ qu’il peut revivre le trauma ou se le remémorer‬ par l’intermédiaire d’un écran de télévision où il‬ revoit le film du traumatisme vécu. On peut même‬ lui suggérer qu’il peut à tout moment stopper ce‬ film en arrêtant l’image vidéo.

La relation thérapeutique joue un rôle essentiel dans ce type de‬ travail. Le patient doit se sentir particulièrement‬ en confiance pour parvenir à surmonter son‬ anxiété. Il doit être convaincu que le thérapeute‬ joue un rôle à la fois protecteur et bienveillant. Le‬ thérapeute ne cherche pas à tout prix à faire revivre‬ le traumatisme. Il aide le patient à pouvoir maîtriser le vécu traumatique d’impuissance, de terreur‬ et d’effroi qui le hante. Cette technique permet de‬ rassurer suffisamment le patient pour qu’il puisse‬ revivre le trauma.‬ Le patient n’est plus seul face à son‬ expérience comme lors du trauma. Il doit pouvoir‬ maîtriser les affects qui y sont liés et retrouver le‬ contrôle de ses émotions, en particulier sur la peur, ‬l’effroi et/ou la colère. Cette possibilité de contrôler à nouveau ses émotions redonne au patient une‬ estime de lui-même qu’il avait perdue. La maîtrise‬ de ses émotions entraîne la réintégration du temps du trauma au temps actuel.‬






Rédigé le 16/10/2011 modifié le 02/11/2011
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