Hypnose et Therapies Breves
« La réflexion sur soi et le développement personnel ne devraient pas être facultatifs pour un clinicien, étant donné l’exigence que nous plaçons sur l’autre de se développer. » Lavender
Dans la longue tradition de la psychothérapie, un fossé abyssal s’est depuis longtemps créé entre la recherche et la pratique. Aujourd’hui le champ de la recherche sur le processus en psychothérapie devient prolifique et intéressant pour les cliniciens (Duncan, Miller et Sparks, 2004 ; Duncan, Miller, Wampold et al., 2010 ; Hubble, Duncan et Miller, 1999 ; Greenberg et Pinsof, 1986 ; Gurman et Kniskern, 1978 ; Kuenzli, 2006 ; Horvath et Simons, 1991 ; Hutchinson et Wilson, 1994 ; Pinsof et Wynne, 2000 ; Pope et Tabachnick, 1994 ; Toukmananian et Rennie, 1992 ; Rosenzweig, 1933, 1936, 1937, 1938 ; Shoham et Salomon, 1990 ; Worthen et McNeill, 1996). Ces publications nous permettent de rassembler des connaissances fondamentales et prometteuses concernant le champ de nos pratiques. Nous proposons au lecteur une liste de six postulats issus du domaine scientifique. Nous souhaitons dans ce présent article en découvrir les possibles implications pratiques. Les recherches sur l’alliance mettent « nos » théories sur la banquette arrière de la voiture, en nous remettant, nous, cliniciens, ainsi que nos clients, aux commandes du volant, ce qui est une fort bonne nouvelle. Nouvelle qui tombait sous le sens commun : ce sont les cliniciens qui font de la psychothérapie et non des modèles ni des interventions qui font le succès de la clinique.
Postulat I. La psychothérapie est-elle efficace ?
Le premier postulat nous procure la voie royale pour argumenter la suite du présent article. La psychothérapie est ainsi utile, efficace ; elle fait une différence. Le traitement par psychothérapie est deux fois plus efficace qu’un traitement placebo, et quatre fois plus utile qu’une absence de traitement (Miller et al. 2006 ; Lambert et Bergin, 1994 ; Assay et Lambert, 1999). Bergin (1971), Bergin et Lambert (1978), Smith et Glass (1980) mettent en exergue l’efficacité des traitements psychothérapeutiques. Des milliers de patients présentant des symptomatologies multiples ont été pris en compte. Aucune place n’est laissée au doute.
Suite à ce postulat, une attitude socratique nous semble utile, puisqu’il soulève une ribambelle de questions corolaires :
- En quoi réside l’efficacité du traitement ?
- Quels sont les facteurs qui favorisent son succès ?
- Comment assurer la qualité d’une psychothérapie ?
- A quoi faudrait-il faire attention en tant que clinicien ?
- Que peut faire le clinicien dans sa consultation pour améliorer la qualité de ses pratiques (simplement, modestement) ?
- Comment évaluer la qualité d’un traitement en psychothérapie ? Quand et à quelle fréquence serait-il approprié, recommandé de le faire ?
« Si nous devions appliquer envers nos collègues la distinction si importante avec nos patients entre ce qu’ils font et ce qu’ils disent qu’ils font, nous trouverions que l’accord est plus grand en pratique qu’en théorie. On est souvent d’accord sur le fait que nos techniques ne peuvent ni être uniformes, ni rigides, mais devraient varier en fonction de l’âge, des problèmes, des potentialités de nos clients et de l’unique personnalité du thérapeute… Un psychothérapeute ne peut rien offrir d’autre que lui-même. » (Rosenzweig, 1936, p.29)
Frank et Frank (1991) offrent une analyse perspicace du facteur commun. Selon eux, la psychothérapie devrait être analysée comme une « entité » ; les facteurs qui en font son efficacité sont communs à tous les modèles. Bien avant eux, dans les années 1930 déjà, les articles de Rosenzweig furent remarquablement avant-gardistes. C’est avec génie et bravoure qu’il y a près de soixante-dix ans, cet auteur avait prédit le « dodo verdict » de la psychothérapie, ainsi que l’a appelé Luborsky (1995) : à savoir que, puisque toutes les approches semblent équivalentes, il devrait y avoir des facteurs panthéoriques qui dépassent ou anticipent les différences entres les approches. Luborsky, pour définir le verdict du dodo (par la référence à Lewis Carroll dans Alice au pays des merveilles), qui conclut que « chacun a gagné et tous vont avoir des prix ».
Postulat II. Premier prédicteur de succès en psychothérapie : la qualité de l’alliance
Voici près de trente ans que les recherches montrent de façon constante qu’une alliance positive est le prédicteur de succès le plus fiable en psychothérapie. Ces centaines d’études sur l’efficacité de l’alliance ont été résumées par une série de méta-analyses commandées et publiées par l’Association Américaine des Psychologues (American Psychological Association, division 29, celle de la psychothérapie) (Norcross, 2001, 2002). Les recherches sur la force de l’alliance se basent sur plus d’un millier d’études (Orlinsky, Ronnestad et Willutski, 2004). Une information comme celle-ci fait l’effet d’une allumette sur une trace de poudre. En tout cas, rares sont aujourd’hui les cliniciens qui ignorent ces recherches. L’alliance peut être évaluée, et seul le client est en mesure de décider de sa qualité. Certes, les deux parties en peuvent évaluer la qualité, mais avec des enjeux et des effets différents. Eu égard au succès du traitement, l’opinion du client est prépondérante. L’alliance est à peu près sept fois plus importante que le modèle ou la technique employée par le clinicien. Si l’on en croit les recherches, lorsqu’une difficulté apparaît en clinique, le thérapeute aurait tout intérêt à réparer d’abord l’alliance plutôt que de changer d’intervention ou de questionner la nature ou la forme de telle ou telle autre interprétation. En appliquant ce postulat à la lettre, nous suggérons, lorsqu’on rencontre une impasse clinique ou un risque de rupture d’alliance, de tourner son attention directement et respectueusement vers son client et de lui demander son avis. Une telle démarche a pour but d’améliorer la qualité de l’alliance et de réparer ainsi ce qui peut l’être.
Ces recherches suggèrent l’établissement d’un travail dialogique et collaboratif avec nos clients, dans le but d’améliorer et de contrôler la qualité de l’alliance créée.
Changer la manière dont on approche et enseigne la psychothérapie sont des conséquences dérangeantes mais certainement prometteuses découlant de ces massives découvertes issues du champ de la recherche. Comprenons-nous bien : nous défendons avec verve l’importance d’une position théorique cohérente, élaborée et structurée. Cette théorie devrait être construite en progression, en alliance et en rapport avec ce qui se passe dans la salle de thérapie. L’important est de questionner l’objet méthodologique et de le rendre sensible à l’objet que l’on veut découvrir. Dans le récent champ de la psychothérapie centrée sur le processus (Duncan, Miller et Sparks, 2004), la méthodologie est plus sensible à l’évolution constante d’une alliance.
« La qualité de la participation en psychothérapie est le déterminant le plus important pour prédire le succès… La contribution du thérapeute pour arriver au succès est obtenue par un engagement empathique, positif, collaboratif et congruent avec soi… Ces relations entre processus et buts de la thérapie, basées littéralement sur des centaines de recherches empiriques, peuvent être considérées comme des faits établis depuis plus de quarante ans de recherches. » (Orlinsky, Grawe et Parks, 1994)
Dans la longue tradition de la psychothérapie, un fossé abyssal s’est depuis longtemps créé entre la recherche et la pratique. Aujourd’hui le champ de la recherche sur le processus en psychothérapie devient prolifique et intéressant pour les cliniciens (Duncan, Miller et Sparks, 2004 ; Duncan, Miller, Wampold et al., 2010 ; Hubble, Duncan et Miller, 1999 ; Greenberg et Pinsof, 1986 ; Gurman et Kniskern, 1978 ; Kuenzli, 2006 ; Horvath et Simons, 1991 ; Hutchinson et Wilson, 1994 ; Pinsof et Wynne, 2000 ; Pope et Tabachnick, 1994 ; Toukmananian et Rennie, 1992 ; Rosenzweig, 1933, 1936, 1937, 1938 ; Shoham et Salomon, 1990 ; Worthen et McNeill, 1996). Ces publications nous permettent de rassembler des connaissances fondamentales et prometteuses concernant le champ de nos pratiques. Nous proposons au lecteur une liste de six postulats issus du domaine scientifique. Nous souhaitons dans ce présent article en découvrir les possibles implications pratiques. Les recherches sur l’alliance mettent « nos » théories sur la banquette arrière de la voiture, en nous remettant, nous, cliniciens, ainsi que nos clients, aux commandes du volant, ce qui est une fort bonne nouvelle. Nouvelle qui tombait sous le sens commun : ce sont les cliniciens qui font de la psychothérapie et non des modèles ni des interventions qui font le succès de la clinique.
Postulat I. La psychothérapie est-elle efficace ?
Le premier postulat nous procure la voie royale pour argumenter la suite du présent article. La psychothérapie est ainsi utile, efficace ; elle fait une différence. Le traitement par psychothérapie est deux fois plus efficace qu’un traitement placebo, et quatre fois plus utile qu’une absence de traitement (Miller et al. 2006 ; Lambert et Bergin, 1994 ; Assay et Lambert, 1999). Bergin (1971), Bergin et Lambert (1978), Smith et Glass (1980) mettent en exergue l’efficacité des traitements psychothérapeutiques. Des milliers de patients présentant des symptomatologies multiples ont été pris en compte. Aucune place n’est laissée au doute.
Suite à ce postulat, une attitude socratique nous semble utile, puisqu’il soulève une ribambelle de questions corolaires :
- En quoi réside l’efficacité du traitement ?
- Quels sont les facteurs qui favorisent son succès ?
- Comment assurer la qualité d’une psychothérapie ?
- A quoi faudrait-il faire attention en tant que clinicien ?
- Que peut faire le clinicien dans sa consultation pour améliorer la qualité de ses pratiques (simplement, modestement) ?
- Comment évaluer la qualité d’un traitement en psychothérapie ? Quand et à quelle fréquence serait-il approprié, recommandé de le faire ?
« Si nous devions appliquer envers nos collègues la distinction si importante avec nos patients entre ce qu’ils font et ce qu’ils disent qu’ils font, nous trouverions que l’accord est plus grand en pratique qu’en théorie. On est souvent d’accord sur le fait que nos techniques ne peuvent ni être uniformes, ni rigides, mais devraient varier en fonction de l’âge, des problèmes, des potentialités de nos clients et de l’unique personnalité du thérapeute… Un psychothérapeute ne peut rien offrir d’autre que lui-même. » (Rosenzweig, 1936, p.29)
Frank et Frank (1991) offrent une analyse perspicace du facteur commun. Selon eux, la psychothérapie devrait être analysée comme une « entité » ; les facteurs qui en font son efficacité sont communs à tous les modèles. Bien avant eux, dans les années 1930 déjà, les articles de Rosenzweig furent remarquablement avant-gardistes. C’est avec génie et bravoure qu’il y a près de soixante-dix ans, cet auteur avait prédit le « dodo verdict » de la psychothérapie, ainsi que l’a appelé Luborsky (1995) : à savoir que, puisque toutes les approches semblent équivalentes, il devrait y avoir des facteurs panthéoriques qui dépassent ou anticipent les différences entres les approches. Luborsky, pour définir le verdict du dodo (par la référence à Lewis Carroll dans Alice au pays des merveilles), qui conclut que « chacun a gagné et tous vont avoir des prix ».
Postulat II. Premier prédicteur de succès en psychothérapie : la qualité de l’alliance
Voici près de trente ans que les recherches montrent de façon constante qu’une alliance positive est le prédicteur de succès le plus fiable en psychothérapie. Ces centaines d’études sur l’efficacité de l’alliance ont été résumées par une série de méta-analyses commandées et publiées par l’Association Américaine des Psychologues (American Psychological Association, division 29, celle de la psychothérapie) (Norcross, 2001, 2002). Les recherches sur la force de l’alliance se basent sur plus d’un millier d’études (Orlinsky, Ronnestad et Willutski, 2004). Une information comme celle-ci fait l’effet d’une allumette sur une trace de poudre. En tout cas, rares sont aujourd’hui les cliniciens qui ignorent ces recherches. L’alliance peut être évaluée, et seul le client est en mesure de décider de sa qualité. Certes, les deux parties en peuvent évaluer la qualité, mais avec des enjeux et des effets différents. Eu égard au succès du traitement, l’opinion du client est prépondérante. L’alliance est à peu près sept fois plus importante que le modèle ou la technique employée par le clinicien. Si l’on en croit les recherches, lorsqu’une difficulté apparaît en clinique, le thérapeute aurait tout intérêt à réparer d’abord l’alliance plutôt que de changer d’intervention ou de questionner la nature ou la forme de telle ou telle autre interprétation. En appliquant ce postulat à la lettre, nous suggérons, lorsqu’on rencontre une impasse clinique ou un risque de rupture d’alliance, de tourner son attention directement et respectueusement vers son client et de lui demander son avis. Une telle démarche a pour but d’améliorer la qualité de l’alliance et de réparer ainsi ce qui peut l’être.
Ces recherches suggèrent l’établissement d’un travail dialogique et collaboratif avec nos clients, dans le but d’améliorer et de contrôler la qualité de l’alliance créée.
Changer la manière dont on approche et enseigne la psychothérapie sont des conséquences dérangeantes mais certainement prometteuses découlant de ces massives découvertes issues du champ de la recherche. Comprenons-nous bien : nous défendons avec verve l’importance d’une position théorique cohérente, élaborée et structurée. Cette théorie devrait être construite en progression, en alliance et en rapport avec ce qui se passe dans la salle de thérapie. L’important est de questionner l’objet méthodologique et de le rendre sensible à l’objet que l’on veut découvrir. Dans le récent champ de la psychothérapie centrée sur le processus (Duncan, Miller et Sparks, 2004), la méthodologie est plus sensible à l’évolution constante d’une alliance.
« La qualité de la participation en psychothérapie est le déterminant le plus important pour prédire le succès… La contribution du thérapeute pour arriver au succès est obtenue par un engagement empathique, positif, collaboratif et congruent avec soi… Ces relations entre processus et buts de la thérapie, basées littéralement sur des centaines de recherches empiriques, peuvent être considérées comme des faits établis depuis plus de quarante ans de recherches. » (Orlinsky, Grawe et Parks, 1994)
Fabienne Kuenzli
L’essentiel d’une définition : l’alliance
Bordin (1979), l’un des plus célèbres théoriciens de l’alliance, la définit comme « un partenariat entre client et thérapeute pour atteindre l’objectif du client ». Retenons les termes suivants : partenariat-entre-client-et-thérapeute-pour obtenir-l’objectif-du client. Un partenariat implique que la raison présentée par le client est a priori valide. Le thérapeute choisit de l’écouter dans une attitude collaborative (Goolishian et Anderson, 1992 ; Anderson, 1997). Simplement dit, il est fondamental de prendre en considération la raison pour laquelle un client consulte. C’est de cela que dépend le succès obtenu en psychothérapie. Pour beaucoup de professions orientées vers les services, la mesure de la satisfaction et de la pertinence des services est la base nécessaire, mais non suffisante, pour créer une relation d’aide. Tout récemment encore, Norcross (2010) souligne que : « Ayant analysé 89 études sur l’alliance et l’efficacité du traitement pour des adultes, il en ressort que la corrélation moyenne est de 21, une modeste mais solide association (Horvath et Bedi, 2002). » Il s’ensuit, ajoute Norcross, que la qualité de l’alliance est une puissante indicatrice de succès en psychothérapie, « incroyablement consistante », certainement bien plus que la différence entre les approches.
Comment centrer nos pratiques et nos enseignements sur l’essence de ce qui est le plus solide prédicteur de succès ? Il nous faut co-construire avec nos clients des alliances solides, nous inquiéter de ce qui, à leur avis, les inquiète, les écouter d’une manière qui leur permette de se sentir entendus, adapter nos approches, nos méthodes, nos buts à ce qu’ils attendent dans la mesure de nos possibilités, et finalement parler de ce dont ils veulent parler.
Au « top ten » des contre-performances classiques rapportées par les clients et par certains cliniciens figure la difficulté qu’ont beaucoup de thérapeutes à répondre à la demande de certains patients les questionnant sur leur formation, leur approche théorique ou leur manière de travailler. Ou même plus simplement sur la durée approximative d’un traitement, mettant simplement en avant les contingences financières d’une entreprise thérapeutique sans fin. Là aussi la patience, la capacité d’articuler, d’expliquer son travail semble favoriser la possibilité d’un « partenariat ». Notre profession demeure hélas à ce jour l’un des rares services qui, depuis des décennies, a souvent occulté aux yeux des clients leur nature, celles de ses interventions, de ses méthodes, de ses approches, et l’efficacité de ses pratiques. Nos clients sont parfaitement en droit de demander et de comprendre la manière dont nous pourrions leur être utiles avant de s’engager dans une quelconque démarche de traitement. Le thérapeute peut, par exemple, utiliser des métaphores qui permettent au client de comprendre en quoi une psychothérapie pourrait lui être utile. Pour parer à nos historiques manquements, nous suggérons de favoriser ces questions. C’est le rôle du clinicien, à notre avis, d’être clair sur ce qu’est la psychothérapie, à quoi elle sert, pourrait servir, a déjà servi, en quoi elle soulage et comment elle le fait. Toutes ces précisions permettent au client de se positionner plus clairement, d’effectuer un choix éclairé sur le type de travail et de psychothérapie qui pourrait lui convenir.
Les buts du client sont-ils les buts du thérapeute ?
Accepter les buts du client ne sous-entend pas suivre aveuglément la piste proposée. Cette dernière peut être l’objet d’un processus de déconstruction.
Tout but devrait correspondre à trois critères de bases :
1) Il doit être défini en termes clairs, non équivoques. Par exemple : « Si l’on pouvait, dans un mois, montrer une vidéo de vous qui prouverait à vos amis que vous avez changé, qu’est-ce qu’on y verrait de différent ? Qui le verrait ? Comment le verraient-ils ? Comment votre meilleur ami pourrait-il nous dire que vous avez changé ? En quoi nous dirait-il que vous avez vraiment changé ? Qui d’autre pourrait le dire ? Comment le remarquerait-il ? » Nous essayons d’obtenir avec nos clients des comportements (plus de sourires, plus (ou moins) de paroles, des actions spécifiques, i.e., des gestes, des comportements observables par des tiers) pour définir un but.
2) Le but doit être atteignable. Par exemple : « Vous me dites, Monsieur, que si la thérapie était efficace pour vous, vous seriez heureux ? Comment votre femme le remarquerait-elle ? Qu’est-ce qui serait différent ? Décrivez-moi, s’il vous plaît, une journée où vous seriez heureux, une journée inoubliable. Sur une échelle de 1 à 10, à combien seriez-vous aujourd’hui sur l’échelle de bonheur ? A combien seriez-vous quand vous n’aurez plus besoin de venir ? » Autre exemple : « Si la thérapie était efficace, ben… on arrêterait constamment de se quereller. » « Bien ! Que feriez-vous de différent ? Qui le remarquerait en premier ? Quelle activité feriez-vous alors au lieu de vous quereller ? Qui en serait le plus touché ? Qui en serait le moins surpris ? Qui en serait le plus surpris ? Comment penseriez-vous alors à votre conjoint(e) différemment ? » L’important est de remarquer et de permettre à vos patients de souligner avec quelle fréquence le but articulé par nos clients dans un premier temps se note par l’absence de comportements indésirables. C’est le travail du clinicien pour entrer dans l’espace du possible, de permettre aux patients d’articuler ce but en termes positifs, descriptibles, objectivables. On trouve comme but, au lieu d’une absence de comportements indésirables, la présence de comportements souhaitables. Plus loin, on pourrait souligner que la possibilité du comportement souhaitable intervient dans le champ de l’expérience, en tout cas au niveau rhétorique, puisque la personne, au lieu de s’imaginer des impossibilités, commence à articuler ce qu’il faudrait qu’il se passe pour qu’elle aille mieux. Elle arrive ainsi déjà à les aménager dans la représentation de ce qui pourrait se passer différemment.
3) Le but doit être mesurable. Par exemple : « Sur une échelle allant de 1 à 10, 10 étant que vous avez atteint votre but, où vous placeriez-vous aujourd’hui ? Où étiez-vous sur cette même échelle avant votre premier coup de fil ? Où vous placeriez-vous aujourd’hui sur cette même échelle ? Où pensez-vous que vous pourriez être dans trois semaines, dans un mois, dans six mois ? Si vous progressiez d’un demi-point sur cette échelle, qui le remarquerai(en)t en premier ? Comment le remarquerai(en)t-il(s) ? Si vous aviez-obtenu votre but, comment le sauriez-vous ? Qui le remarquerait en premier ? Comment le remarquerait-il ? »
Il est souhaitable de suggérer par des « questions sur échelle » la progression et le mouvement. Une question sur échelle est une question qui, comme on le voit dans le paragraphe précédent, permet de quantifier le progrès. Ces questions ont été inventées pour la gestion de la douleur afin de permettre de différencier l’état douleur/sans douleur et d’appréhender une progression. Lorsque nos clients se positionnent sur cette échelle, même très bas, ils ont nécessairement la perception d’une possibilité de changement et parfois l’impression qu’ils s’évaluent mieux que là où ils pourraient être. Les questions sur échelles permettent d’évaluer la progression du travail thérapeutique. Pour les enfants ou même les adultes, les échelles peuvent devenir des pourcentages, des escaliers, des disques dont on compte ou noircit la partie qui convient. L’utilisation de questions sur échelles peut et devrait rester flexible et modifiable selon l’intérêt du client, de la famille, du couple. Certaines personnes avouent avoir de la peine à quantifier leurs expériences. Il est important de proposer, de suggérer avec délicatesse ce processus complexe de questionnement, et en aucun cas de le contraindre.
Le clinicien doit apprendre à construire précocement lors du processus thérapeutique des buts clairs. En prenant pour boussole l’alliance, nous retrouverons souvent la direction à prendre. Cliniquement, cela signifie mesurer fréquemment avec ses patients les paramètres suivants :
1) Evaluons les buts de la séance de manière collaborative : « Est-ce que nous avons parlé de ce dont vous vouliez parler aujourd’hui ? »
2) Evaluons la qualité de l’alliance : « Si vous pouviez évaluer aujourd’hui le plus honnêtement possible, et librement, comment vous avez ressenti le travail avec le thérapeute sur une échelle allant de 1 à 10 (1 étant que vous vous ne vous êtes pas senti entendu, respecté, et 10 que vous vous êtes senti entendu, respecté), où vous situeriez-vous ? »
3) Evaluons ce qui a été accompli durant la séance en fonction du temps à disposition. « Sur une échelle allant de 1 à 10, 1 étant que vous n’avez pas du tout l’impression d’avoir accompli quelque chose aujourd’hui, et 10 étant que vous avez l’impression, qu’étant donné le temps disponible, vous avez vraiment bien travaillé aujourd’hui, où vous placeriez-vous aujourd’hui sur cette échelle ? »
Cette approche se démarque de la classique « analyse de la demande » qui sous-entend une dichotomie entre savoir et non-savoir, entre soignant et soigné. Dans l’écoute des buts du client comme dans celle des a priori considérés comme valides, il y a un saut épistémique énorme d’avec celle-ci. Les positions d’analyse de la demande sont souvent à l’opposé d’une démarche herméneutique qui cherche à comprendre la réalité de l’autre en s’imprégnant de sa perspective, et qui tente de se mettre dans les souliers de son client pour approcher son « horizon » (Heidegger) et construire un « cercle herméneutique ».
Pour lire la suite : http://www.rayon-livres.com
Bordin (1979), l’un des plus célèbres théoriciens de l’alliance, la définit comme « un partenariat entre client et thérapeute pour atteindre l’objectif du client ». Retenons les termes suivants : partenariat-entre-client-et-thérapeute-pour obtenir-l’objectif-du client. Un partenariat implique que la raison présentée par le client est a priori valide. Le thérapeute choisit de l’écouter dans une attitude collaborative (Goolishian et Anderson, 1992 ; Anderson, 1997). Simplement dit, il est fondamental de prendre en considération la raison pour laquelle un client consulte. C’est de cela que dépend le succès obtenu en psychothérapie. Pour beaucoup de professions orientées vers les services, la mesure de la satisfaction et de la pertinence des services est la base nécessaire, mais non suffisante, pour créer une relation d’aide. Tout récemment encore, Norcross (2010) souligne que : « Ayant analysé 89 études sur l’alliance et l’efficacité du traitement pour des adultes, il en ressort que la corrélation moyenne est de 21, une modeste mais solide association (Horvath et Bedi, 2002). » Il s’ensuit, ajoute Norcross, que la qualité de l’alliance est une puissante indicatrice de succès en psychothérapie, « incroyablement consistante », certainement bien plus que la différence entre les approches.
Comment centrer nos pratiques et nos enseignements sur l’essence de ce qui est le plus solide prédicteur de succès ? Il nous faut co-construire avec nos clients des alliances solides, nous inquiéter de ce qui, à leur avis, les inquiète, les écouter d’une manière qui leur permette de se sentir entendus, adapter nos approches, nos méthodes, nos buts à ce qu’ils attendent dans la mesure de nos possibilités, et finalement parler de ce dont ils veulent parler.
Au « top ten » des contre-performances classiques rapportées par les clients et par certains cliniciens figure la difficulté qu’ont beaucoup de thérapeutes à répondre à la demande de certains patients les questionnant sur leur formation, leur approche théorique ou leur manière de travailler. Ou même plus simplement sur la durée approximative d’un traitement, mettant simplement en avant les contingences financières d’une entreprise thérapeutique sans fin. Là aussi la patience, la capacité d’articuler, d’expliquer son travail semble favoriser la possibilité d’un « partenariat ». Notre profession demeure hélas à ce jour l’un des rares services qui, depuis des décennies, a souvent occulté aux yeux des clients leur nature, celles de ses interventions, de ses méthodes, de ses approches, et l’efficacité de ses pratiques. Nos clients sont parfaitement en droit de demander et de comprendre la manière dont nous pourrions leur être utiles avant de s’engager dans une quelconque démarche de traitement. Le thérapeute peut, par exemple, utiliser des métaphores qui permettent au client de comprendre en quoi une psychothérapie pourrait lui être utile. Pour parer à nos historiques manquements, nous suggérons de favoriser ces questions. C’est le rôle du clinicien, à notre avis, d’être clair sur ce qu’est la psychothérapie, à quoi elle sert, pourrait servir, a déjà servi, en quoi elle soulage et comment elle le fait. Toutes ces précisions permettent au client de se positionner plus clairement, d’effectuer un choix éclairé sur le type de travail et de psychothérapie qui pourrait lui convenir.
Les buts du client sont-ils les buts du thérapeute ?
Accepter les buts du client ne sous-entend pas suivre aveuglément la piste proposée. Cette dernière peut être l’objet d’un processus de déconstruction.
Tout but devrait correspondre à trois critères de bases :
1) Il doit être défini en termes clairs, non équivoques. Par exemple : « Si l’on pouvait, dans un mois, montrer une vidéo de vous qui prouverait à vos amis que vous avez changé, qu’est-ce qu’on y verrait de différent ? Qui le verrait ? Comment le verraient-ils ? Comment votre meilleur ami pourrait-il nous dire que vous avez changé ? En quoi nous dirait-il que vous avez vraiment changé ? Qui d’autre pourrait le dire ? Comment le remarquerait-il ? » Nous essayons d’obtenir avec nos clients des comportements (plus de sourires, plus (ou moins) de paroles, des actions spécifiques, i.e., des gestes, des comportements observables par des tiers) pour définir un but.
2) Le but doit être atteignable. Par exemple : « Vous me dites, Monsieur, que si la thérapie était efficace pour vous, vous seriez heureux ? Comment votre femme le remarquerait-elle ? Qu’est-ce qui serait différent ? Décrivez-moi, s’il vous plaît, une journée où vous seriez heureux, une journée inoubliable. Sur une échelle de 1 à 10, à combien seriez-vous aujourd’hui sur l’échelle de bonheur ? A combien seriez-vous quand vous n’aurez plus besoin de venir ? » Autre exemple : « Si la thérapie était efficace, ben… on arrêterait constamment de se quereller. » « Bien ! Que feriez-vous de différent ? Qui le remarquerait en premier ? Quelle activité feriez-vous alors au lieu de vous quereller ? Qui en serait le plus touché ? Qui en serait le moins surpris ? Qui en serait le plus surpris ? Comment penseriez-vous alors à votre conjoint(e) différemment ? » L’important est de remarquer et de permettre à vos patients de souligner avec quelle fréquence le but articulé par nos clients dans un premier temps se note par l’absence de comportements indésirables. C’est le travail du clinicien pour entrer dans l’espace du possible, de permettre aux patients d’articuler ce but en termes positifs, descriptibles, objectivables. On trouve comme but, au lieu d’une absence de comportements indésirables, la présence de comportements souhaitables. Plus loin, on pourrait souligner que la possibilité du comportement souhaitable intervient dans le champ de l’expérience, en tout cas au niveau rhétorique, puisque la personne, au lieu de s’imaginer des impossibilités, commence à articuler ce qu’il faudrait qu’il se passe pour qu’elle aille mieux. Elle arrive ainsi déjà à les aménager dans la représentation de ce qui pourrait se passer différemment.
3) Le but doit être mesurable. Par exemple : « Sur une échelle allant de 1 à 10, 10 étant que vous avez atteint votre but, où vous placeriez-vous aujourd’hui ? Où étiez-vous sur cette même échelle avant votre premier coup de fil ? Où vous placeriez-vous aujourd’hui sur cette même échelle ? Où pensez-vous que vous pourriez être dans trois semaines, dans un mois, dans six mois ? Si vous progressiez d’un demi-point sur cette échelle, qui le remarquerai(en)t en premier ? Comment le remarquerai(en)t-il(s) ? Si vous aviez-obtenu votre but, comment le sauriez-vous ? Qui le remarquerait en premier ? Comment le remarquerait-il ? »
Il est souhaitable de suggérer par des « questions sur échelle » la progression et le mouvement. Une question sur échelle est une question qui, comme on le voit dans le paragraphe précédent, permet de quantifier le progrès. Ces questions ont été inventées pour la gestion de la douleur afin de permettre de différencier l’état douleur/sans douleur et d’appréhender une progression. Lorsque nos clients se positionnent sur cette échelle, même très bas, ils ont nécessairement la perception d’une possibilité de changement et parfois l’impression qu’ils s’évaluent mieux que là où ils pourraient être. Les questions sur échelles permettent d’évaluer la progression du travail thérapeutique. Pour les enfants ou même les adultes, les échelles peuvent devenir des pourcentages, des escaliers, des disques dont on compte ou noircit la partie qui convient. L’utilisation de questions sur échelles peut et devrait rester flexible et modifiable selon l’intérêt du client, de la famille, du couple. Certaines personnes avouent avoir de la peine à quantifier leurs expériences. Il est important de proposer, de suggérer avec délicatesse ce processus complexe de questionnement, et en aucun cas de le contraindre.
Le clinicien doit apprendre à construire précocement lors du processus thérapeutique des buts clairs. En prenant pour boussole l’alliance, nous retrouverons souvent la direction à prendre. Cliniquement, cela signifie mesurer fréquemment avec ses patients les paramètres suivants :
1) Evaluons les buts de la séance de manière collaborative : « Est-ce que nous avons parlé de ce dont vous vouliez parler aujourd’hui ? »
2) Evaluons la qualité de l’alliance : « Si vous pouviez évaluer aujourd’hui le plus honnêtement possible, et librement, comment vous avez ressenti le travail avec le thérapeute sur une échelle allant de 1 à 10 (1 étant que vous vous ne vous êtes pas senti entendu, respecté, et 10 que vous vous êtes senti entendu, respecté), où vous situeriez-vous ? »
3) Evaluons ce qui a été accompli durant la séance en fonction du temps à disposition. « Sur une échelle allant de 1 à 10, 1 étant que vous n’avez pas du tout l’impression d’avoir accompli quelque chose aujourd’hui, et 10 étant que vous avez l’impression, qu’étant donné le temps disponible, vous avez vraiment bien travaillé aujourd’hui, où vous placeriez-vous aujourd’hui sur cette échelle ? »
Cette approche se démarque de la classique « analyse de la demande » qui sous-entend une dichotomie entre savoir et non-savoir, entre soignant et soigné. Dans l’écoute des buts du client comme dans celle des a priori considérés comme valides, il y a un saut épistémique énorme d’avec celle-ci. Les positions d’analyse de la demande sont souvent à l’opposé d’une démarche herméneutique qui cherche à comprendre la réalité de l’autre en s’imprégnant de sa perspective, et qui tente de se mettre dans les souliers de son client pour approcher son « horizon » (Heidegger) et construire un « cercle herméneutique ».
Pour lire la suite : http://www.rayon-livres.com