Double lien thérapeutique et résistance. Dr Milton Erickson

Roxanna nous a ouvert les pages de ce premier numéro de l’année. Nul autre que son père Milton ne pouvait en conclure les articles. Il nous démontre en pratique comment l’utilisation des résistances chez cet enfant va l’accompagner vers le succès. Il fallait oser…



Un principe d'utilisation de Milton H. Erickson

Un garçon de 12 ans, qui mesurait un mètre soixante-quinze pour quatre-vingt-cinq kilos, fut amené presque de force dans mon bureau par ses parents, furieux et désespérés. Ils le décrivirent comme maussade, rebelle, obstiné, entêté, peu coopérant, têtu, paresseux, et faisant pipi au lit
de manière chronique. Ils expliquèrent qu’il avait mouillé son lit toutes les nuits de sa vie et qu’ils avaient atteint l’ultime
limite de leur patience à tenter toutes les méthodes connues pour le guérir, sauf l’amener chez un psychiatre. Ils voulaient maintenant transférer leur participation à une simple inspection de son lit tous les matins. L’auteur leur donna aussitôt pour instruction de confier cette tâche à leur femme de ménage. Des questions méthodiques permirent de recueillir les informations suivantes. Le père mesurait trois centimètres de plus que son fils et pesait cinq kilos de plus.
Les centres d’intérêt de son père se limitaient à son travail et à la lecture de livres de philosophie. La mère était une femme exigeante qui s’intéressait au théâtre et aux activités de son club. Elle mesurait trois centimètres de moins que son fils, mais avait le même poids que lui.
Le garçon n’avait que des centres d’intérêt insignifiants. Il ne s’intéressait pas au sport, ni à des groupes comme les scouts, et il ne semblait pas non plus avoir d’amis. Il aimait les bandes dessinées et « manger ». En général, il passait le week-end à « oublier » de faire son travail scolaire ou les corvées que ses parents lui fixaient. Il ne s’intéressait pas aux études, se satisfaisait de mauvaises notes, et exprimait l’espoir qu’il n’aurait pas à aller au lycée. Il passait ses étés à nager, une activité à laquelle il excellait. Comme première mesure thérapeutique, les parents reçurent pour instruction de renoncer à tout intérêt pour la thérapie de leur fils pour une durée d’au moins six mois, de ne poser la moindre question ni montrer leur intérêt de quelque manière que ce soit. Ils donnèrent volontiers leur accord.

Induction de transe utilisant la résistance

L’enfant fut ensuite invité à entrer dans le bureau. Il se montra très réticent pour un entretien et déclara qu’il « était assez fatigué pour aller dormir » et qu’il préférait rentrer à la maison. L’auteur lui répondit qu’il pourrait faire échouer l’objectif de cet entretien en s’endormant délibérément
et en n’écoutant pas ce que l’auteur avait à lui dire. Il accepta cela comme un défi et se révéla être un excellent sujet hypnotique lors de l’essai de suggestions relativement simples comme : « Endors-toi simplement, ne m’écoute pas, tu peux dormir paisiblement et confortablement, même si en fait je te parle. » D’autres suggestions du même type permirent d’obtenir une transe profonde.
L’auteur lui donna ensuite l’instruction qu’il n’avait pas besoin de s’ennuyer à écouter, mais qu’il pouvait comprendre tout ce qu’il lui dirait, tout en dormant néanmoins d’un sommeil paisible et confortable. Il fut ainsi possible de satisfaire à la fois ses besoins personnels et ceux de la situation thérapeutique. L’auteur lui expliqua alors que, à cause de ses parents, il serait nécessaire de le voir à plusieurs reprises, mais
que l’auteur ferait en sorte que ce soit aussi peu fréquent que possible... La thérapie débuta ensuite par l’affirmation que ses parents avaient demandé à l’auteur de traiter son problème d’énurésie, mais qu’il ne considérait pas les parents comme très raisonnables en cette matière.
L’auteur élabora ses conclusions de la manière suivante, alors que le sujet était toujours dans une transe profonde : Tes parents attendent de toi que tu aies des lits secs en permanence dès à présent, et ça ce n’est tout simplement pas raisonnable.
Tout d’abord, tu as été vachement trop occupé pour t’embêter à apprendre à avoir des lits secs. Tu as une grande et belle charpente, avec de gros muscles puissants pour la manoeuvrer. Ton châssis est de ceux qui demandent un paquet d’énergie pour leur construction et il est presque aussi
grand que celui de ton père et tu n’as que 12 ans. Ça prend une incroyable quantité d’énergie pour construire un corps aussi grand et fort que le tien, et ça ne t’a pas laissé d’énergie disponible pour des choses aussi peu importantes qu’avoir des lits secs ou tondre la pelouse ou devenir le chouchou des professeurs. Mais tu auras bientôt fini de grandir, tu seras plus grand que ton père, et tu n’es pas loin de l’avoir battu. Alors toute l’énergie et la puissance que tu as mises à grandir seront disponibles ailleurs pour faire d’autres choses que tu as envie de faire, comme avoir en permanence un lit sec. En fait, tu es si près d’en avoir terminé avec la construction de ce grand corps puissant que tu as déjà probablement un peu d’énergie en trop à dépenser. Mais disons-le tout net. Je ne crois pas qu’il soit raisonnable de s’attendre à ce que tu aies ton lit sec en permanence ce mois-ci, nous ne sommes qu’au début de janvier. Je ne m’attends même pas à ce que tu aies un seul lit sec cette semaine. C’est vachement trop tôt. Ça n’est pas raisonnable. Mais ce qui me pose question, c’est de savoir si la semaine prochaine tu vas avoir un lit sec mercredi ou bien jeudi. Je ne sais pas et tu ne sais pas et nous allons devoir attendre pour le découvrir, et ça va être une longue attente puisqu’aujourd’hui nous sommes seulement lundi de cette semaine et tu ne vas vraiment pas savoir avant vendredi de la semaine prochaine si tu auras un lit sec mercredi ou jeudi de la semaine prochaine.

MILTON H. ERICKSON
Dr Milton H. Erickson (1901-1980). Psychiatre américain. Un thérapeute « hors du commun ».

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Rédigé le 11/05/2016 modifié le 25/05/2016
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