Conscience, placebo et réalité virtuelle Sophie COHEN et Henri BENSOUSSAN

Revue Hypnose & Thérapies Brèves n°55



Pour débuter notre article, nous vous proposons quelques définitions. Car même s’il est complexe de définir des notions en constante évolution, il nous semble essentiel pour débuter de s’intéresser aux notions suivantes : conscience, placebo, effet placebo, réalité virtuelle.

La conscience. C’est une notion tout d’abord utilisée et étudiée par les théologiens et les philosophes. Dans ce contexte, cela revient à étudier les relations entre le corps et l’esprit. La conscience est-elle une notion abstraite ? Par ailleurs, et depuis l’avènement des neurosciences, nous disposons de deux théories de neurosciences pour expliquer la conscience.

L’une défendue par Stanislas Dehaene et Lionel Naccache, et l’autre par Giulio Tononi de l’Université du Wisconsin qui travaille en relation avec Marcello Massimini de l’Université de Milan. Les deux caractéristiques nécessaires pour parler de conscience, c’est être éveillé et la temporalité de la prise de conscience. La conscience repose premièrement sur l’éveil (attention à des exceptions, par exemple, lors d’une crise d’épilepsie où la personne est éveillée et inconsciente, ou pour autre exemple, un état végétatif), et deuxièmement chaque prise de conscience survient à un instant précis et identifiable.

En résumé, la théorie de Dehaene et Naccache décrit deux types d’architectures cérébrales. La première est constituée de systèmes indépendants fonctionnant en parallèle : système dit modulaire. La deuxième serait un réseau de neurones très interconnectés reliant les différents modules. L’activation simultanée de plusieurs modules avec l’activation des connexions à longues distances pourrait être un support à l’apparition de la conscience.

Pour mesurer l’activité de la conscience, sont utilisées : IRM et électroencéphalogramme (EEG). L’EEG ne mesure que les processus électrophysiologiques des neurones, négligeant de ce fait l’importance des cellules gliales dans tout le fonctionnement cérébral. Selon ces auteurs, l’inconscience c’est l’ensemble des processus et opérations qui se déroulent de façon automatique, presque à notre insu. Alors que la conscience intervient lors d’un événement saillant qui surgit lors d’une de ces opérations. L’autre théorie, celle de Tonini, formalise la conscience en termes d’informations avec deux caractéristiques : l’intégration et la différenciation.

Tonini a développé une modélisation mathématique du fonctionnement du cerveau. A partir de cette théorie, Steven Laureys et Marcello Massimini utilisent l’indice PCI qui en simplifiant le modèle de Tonini mesure la connectivité cérébrale. C’est-à-dire l’existence ou non d’un état de conscience. Toutes les informations de l’environnement sont perçues et intégrées, ce n’est que lorsqu’il y a différenciation qu’il y a prise de conscience.

Le placebo : en latin, « je plairai ». C’est un médicament inactif. Dans la situation de soins, le placebo questionne les interactions entre le corps et l’esprit.

L’effet placebo. Retenons la définition de Gérard Ostermann.
L’effet placebo peut être défini comme l’effet psychophysiologique de toute médication ou procédé à visée thérapeutique qui est partiellement ou totalement indépendant de l’action pharmacologique du remède ou de l’action spécifique et qui fonctionne par l’intermédiaire d’un mécanisme psychologique. Il n’est donc pas d’acte médical qui puisse échapper à l’effet placebo et il est même possible d’obtenir un effet placebo sans placebo.

L’effet placebo n’est pas constant et varie suivant le contexte, la nature biologique et l’état psychologique du patient. L’effet placebo varie également en fonction du thérapeute. L’effet placebo pose de nouveau la question de la relation, des interactions entre corps et esprit. On peut rapprocher l’effet placebo du proverbe « la façon de donner vaut mieux que ce que l’on donne ». Michael Balint, cité par Gérard Ostermann, écrit : « Le médecin se prescrit lui-même, il n’y a pas de posologie au remède médecin. » C’est encore une fois de plus le rôle de la relation thérapeutique qui joue un rôle essentiel. Selon le professeur Fabrizio Benedetti, ce sont les attentes des patients qui sont le moteur de l’effet placebo. Il existe donc plusieurs façons d’activer l’effet placebo.

On peut renforcer cet effet, notamment par des mécanismes de conditionnement. Voir ci-dessous les deux vignettes cliniques proposées. Pour conclure, nous ne manquerons pas de citer François Roustang qui insiste sur l’importance du contexte du placebo qui donne du sens : « L’intérêt du placebo réside dans le fait qu’il contraint la science médicale à sortir d’elle-même, il lui fait se souvenir du contexte dans lequel il travaille et irrigue par son efficacité. »

L’effet placebo agit comme un changement positif chez le patient : soulagement de la douleur, de l’anxiété, des nausées… Les zones cérébrales impliquées dans la réponse placebo : le cortex préfrontal dorsomédian impliqué dans les expériences émotionnelles, l’insula postérieure associée à la conscience somato-sensorielle, le striatum qui intervient dans le circuit de la récompense. La réalité virtuelle. C’est un système informatique qui simule dans un environnement artificiel la présence de l’utilisateur. En hypnose, les 3 V sont essentiels : verbal, paraverbal et non verbal ; tandis qu’en réalité virtuelle, on parle des 3 I : interaction, immersion, imagination. On parle d’interaction via le matériel, d’immersion via la qualité de l’environnement proposé en simulation, quant à l’imagination, ses défenseurs prétendent qu’elle joue un rôle, et ses détracteurs en doutent. La réalité, à travers le casque, est imposée.

EXPÉRIENCES DE RÉALITÉ VIRTUELLE POUR LES PHOBIES

Nous avons eu la chance de pouvoir réaliser une séance d’essai chacun sur le cas de phobie des hauteurs. Voici comment les choses se sont déroulées. Une psychologue formée par ailleurs à l’hypnose nous interroge sur la peur liée aux hauteurs puis nous propose de nous aider de la réalité virtuelle pour vaincre cette peur.

Le dispositif : un ordinateur relié à un casque, avec des poignées qui permettent de se mouvoir dans l’espace virtuel choisi, avancer, reculer, s’arrêter, s’éloigner ou se rapprocher du vide. L’environnement proposé est constitué d’une passerelle reliant deux immeubles. Tout d’abord au 1er étage, puis nous montons graduellement. La passerelle est dans un premier temps avec un sol en « dur » et des murets de protection. Au fil des passages, la psychologue propose de remplacer les murets par des barrières, puis par des cordes, puis en laissant le vide.

Le sol d’abord plein en dur, est progressivement, au fil des expositions et avec l’accord du patient, remplacé par un grillage. Nous entendons les bruits extérieurs : circulation, cris d’enfants ou chants d’oiseaux, le bruit du vent. Après chaque aller-retour sur cette passerelle, la psychologue propose de modifier l’environnement. Elle nous questionne tout au long de l’expérience sur notre ressenti tant physique, que sur notre confort psychologique.

Nous sommes vraiment accompagnés par une thérapeute dont la présence est rassurante. Là, le matériel utilisé permet également à la psychologue de voir, via son écran d’ordinateur, ce que nous voyons et de nous suivre. Elle nous encourage, nous propose de poursuivre ou d’arrêter. Dans ce cas, la réalité virtuelle est utilisée comme support à une thérapie d’exposition progressive. La relation thérapeutique toujours au centre du soin.

EXPÉRIENCES DE RÉALITÉ VIRTUELLE DANS LE DOMAINE DE LA DOULEUR ET DE L’ANESTHÉSIE

Débutons par la douleur induite par les soins.

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Dialogue stratégique pour le changement thérapeutique. Gregory LAMBRETTE
« La vie est encore elle-même un thérapeute très efficace. » Karen HORNEY
LIMINAIRES
« Savoir écouter, oser intervenir », telles sont les qualités premières du thérapeute stratégique selon John Weakland, l’une des figures de proue de l’école de Palo Alto

Protections dissociatives. Gérald BRASSINE
ANESTHÉSIANTS POUR L’HYPNOTHÉRAPIE DU TRAUMA.
Une bonne compréhension de l’hypnose est centrale pour saisir les mécanismes hypnotiques qui sont à l’oeuvre dans la création des états, tellement douloureux, de stress post-traumatiques (ESPT).

Note Dixième selon François Roustang
« Parler de la liberté n’est qu’une autre manière de parler de l’hypnose ou de la définir », « L’apprentissage de la liberté », intervention au colloque de l’AFEHM, 2007 C’est sur la notion de liberté, et il ne pouvait en être autrement, que nous refermons cette rubrique consacrée à quelques éléments de la pensée de François Roustang. 

Entrée dans l’IRM
Dr JUANA PELAEZ PEREZ. Médecin anesthésiste-réanimateur au Centre hospitalier de Tolède en Espagne, formée à l’hypnose médicale à Paris VI. Pour elle, l’hypnose est un complément de travail qui aide les patients à améliorer leur adhésion aux soins médicaux. Et l’utilisation de l’hypnose en complément crée dans l’équipe médicale une atmosphère de travail en harmonie.

Le garde-barrière de l’intestin. Exemple de protocole.Jean-Christophe LE DANVIC
Lorsqu’un patient m’est adressé par un médecin pour des douleurs de dos, il peut bénéficier de quinze séances d’une demi-heure, plus de sept heures de soins. La relation patient/thérapeute peut cependant aller plus loin que les simples techniques de massage ou d’étirement utilisées habituellement en kinésithérapie.

Hypnose et urgences pré-hospitalières.
« Qui craint de souffrir, souffre déjà de ce qu’il craint », disait Montaigne.
FRÉDÉRIC DOLLET Infirmier anesthésiste au Samu 59 à Lille. Titulaire du DU d’Hypnose de la Faculté de Lille.

Éditorial Sophie COHEN et Henri BENSOUSSAN
Pourquoi cette thématique ? En écho au dernier congrès de la Confédération francophone d’Hypnose et de Thérapies brèves (CFHTB) qui s’est tenu à Montpellier en mai dernier, où nous avions alors, Henri Bensoussan et moi-même, animé une table ronde sur ce sujet.

Conscience, placebo et réalité virtuelle Sophie COHEN et Henri BENSOUSSAN
Revue Hypnose & Thérapies Brèves n°55
Pour débuter notre article, nous vous proposons quelques définitions. Car même s’il est complexe de définir des notions en constante évolution, il nous semble essentiel pour débuter de s’intéresser aux notions suivantes : conscience, placebo, effet placebo, réalité virtuelle.

La réalité virtuelle au bloc opératoire. Des expériences sans suite. Dr Marc GALY
J’ai utilisé les casques de réalité virtuelle en janvier 2017 au bloc opératoire pour des interventions sous anesthésies locales et locorégionales, mineures et relativement courtes (varices). Dans ces expériences, le casque n’a pas répondu aux besoins du patient et n’a pas installé la relation thérapeutique basée sur une présence partagée.

L’alliance hypnose et yoga nidra. Une mise en résonance avec le patient. Dr Gérard VIGNERON.
Gérard Vigneron, médecin, a expérimenté des pratiques complémentaires à l’hypnose. Il nous parle de ses expériences qui, aux frontières du réel, interrogent notamment la notion de conscience locale.

Pas de panique ! Dr Stefano Colombo, Revue Hypnose et Thérapies brèves 55
« Je ne vais pas écrire que je ne mens pas. »
Cette phrase n’a pas été la phrase que Frédéric n’avait pas prononcée lors de la réception que l’entreprise Communication & Clarté SA n’avait pas voulu organiser.

La crêpe, et papa à gauche. Dr Adrian CHABOCHE et Virginie NAVINEL, orthophoniste
Voici un voyage dans les méandres labyrinthiques de la complexité merveilleuse de notre cerveau. Cette situation clinique est proposée par une lectrice de la revue, orthophoniste spécialisée dans la rééducation des adultes. Madame S.

Histoire de l'Hypnose. Didier MICHAUX
Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à ce sujet, l’hypnose, il n’y avait que très peu de thérapeutes faisant appel à cette pratique. Le plus célèbre était le Dr Léon Chertok, psychiatre dirigeant le service de médecine psychosomatique de l’Elan Retrouvé, auteur du livre L’Hypnose, un des rares livres, alors récent, parlant de ce sujet. En fait, le mot n’évoquait que le music-hall et en général les parasciences pour la plupart des gens.

Les grands entretiens: Gérard OSTERMANN interviewé par Gérard FITOUSSI

Rédigé le 03/05/2020 modifié le 22/09/2020
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- Formateur en Hypnose Médicale, Ericksonienne et EMDR - IMO au CHTIP Collège Hypnose Thérapies… En savoir plus sur cet auteur


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