« Qui pourra donner une loi aux amants ? »
Cette sentence médiévale, ici, a tout son sens. Comment ne pas être ému, touché, par cette difficile histoire ; histoire sans issue possible sauf celle de la mort. Etait-ce la seule solution ? Qui pourrait répondre ? Quels pouvaient être les choix autres ? Autre dans le maintien d’un équilibre vivable, psychiquement, socialement, physiquement ?
Au bas de la page 54, qui clôt le récit douloureux, Marie écrit : « Ainsi, on comprendra… enfin, j’espère. » Sainte-Beuve disait : « Dans les critiques que nous faisons, nous jugeons encore moins les autres que nous ne nous jugeons nous-mêmes. »
Mais, allez-vous me demander, de quoi parlez-vous ? De quoi est-il question ?
Du dernier livre de Régine Deforges : « Toutes les femmes s’appellent Marie ».
Marie
Son histoire est celle d’une mère qui se sacrifie pour son fils. Casimir Delavigne disait qua la faiblesse, pour une mère, c’était son extrême indulgence. Elle a fait ce qu’elle croyait devoir faire, et cela force le respect, disait Madame Rosa, directrice de la maison close dont les filles aidèrent une fois Emmanuel.
Marie désire aider, sauver même son fils ou bien se sauver, elle ? Tout au long de ces pages, on entend la révolte et la tristesse, la colère et la rancœur, l’amertume et la violence. Le mari est mort et elle ressent le vide de son corps qui continue à réclamer, à chercher la douceur et la chaleur du corps de l’autre. Mais la mort l’a pris et elle va souhaiter sa propre mort pour tuer ce vide.
« Elle se couchera entre la mort et son amant contre lequel elle collera son corps. » C’est dans cette souffrance qu’elle décida et le jour et l’heure de l’issue. Auparavant, elle raconte. La mort de son mari, personne ne l’avait décidée. Elle a subi, en elle, la mort du mari-amant. Faire le deuil de la présence de son mari ? Comme si un deuil se faisait ! Non, elle n’a pas clos l’histoire, alors elle la continue avec son fils.
« Peu de temps après la naissance d’Emmanuel, Philippe, le père, mourût. » Son fils avait besoin d’elle, mais n’avait-elle pas plus besoin de son fils pour être dans le déni du manque brûlant de son corps ? Le fils, alors, souffre autant que la mère. Il existe des environnements psychotisants ! La femme s’effondre à la mort du mari. Elle ne pardonne pas la mort à la Vie. De quelle mort n’a-t-elle pas fait le deuil ? Comme si elle n’avait pas « d’objet interne ».
Elle ne dit pas grand-chose de son histoire familiale. Nous ne savons donc rien sur sa mère, si ce n’est qu’elle était « autoritaire ». Une mère abandonite qui ne permettait donc pas la rencontre ? Donc, pas de mère ? Etait-ce cet abandon qui effondra Marie à la mort de son mari ? Une mère intrusive, interventionniste jusque dans l’intime, centrée sur elle, au détriment de l’écoute de sa fille qui a dû se sentir bien seule. Abandonnée ? Mais reprenant le terme d’Alice Miller, « c’est pour ton bien ! » devait penser sa mère, elle avait elle-même un passé familial dans lequel elle ne s’était pas sentie reconnue ? Peut-être…
Nous pouvons penser qu’Emmanuel a vécu dans un environnement psychotisant et qu’il y fut sensible. A quel fantasme de sa mère répondait-il ? Schaeffer et Bailey disent avoir observé que l’activité des garçons dans les premiers mois de la vie est directement fonction de la façon dont la mère s’occupe d’eux. Dans quel désir inconscient a-t-il été conçu en Marie, sachant que Philippe, le père, avait été trépané et gazé pendant la guerre et qu’ils s’étaient fiancés juste avant le départ ? Beaucoup d’épreuves ! Et il faut du temps pour « devenir entier ».
Ainsi a grandi Emmanuel. Sa mère le nourrissait avec la même jouissance éprouvée lorsque le père prenait son sein dans la bouche lors de leurs ébats amoureux. Cette jouissance lui donnait la force de vivre. Sa pulsion de vie sortait de cette jouissance ? Celle-ci avait donc une fonction personnelle très particulière. Il grandissait. Elle le nourrissait toujours. Bien sûr au-delà du concevable, du tolérable ! Il imposait son désir, n’absorbant rien d’autre. La mère obéissait, même dans la douleur. Là, nous rejoignons la toute puissance de la maladie sur l’entourage. Des constructions mystico-religieuses prenaient place, ainsi que des rendez-vous avec les plus grands, les ténors du monde médical. Le diagnostic tombe : « Son lien avec le monde se réduit à sa mère. Les séparer équivaudrait à les tuer. »
Marie se résigne. Mais comment continuer ?
Cette sentence médiévale, ici, a tout son sens. Comment ne pas être ému, touché, par cette difficile histoire ; histoire sans issue possible sauf celle de la mort. Etait-ce la seule solution ? Qui pourrait répondre ? Quels pouvaient être les choix autres ? Autre dans le maintien d’un équilibre vivable, psychiquement, socialement, physiquement ?
Au bas de la page 54, qui clôt le récit douloureux, Marie écrit : « Ainsi, on comprendra… enfin, j’espère. » Sainte-Beuve disait : « Dans les critiques que nous faisons, nous jugeons encore moins les autres que nous ne nous jugeons nous-mêmes. »
Mais, allez-vous me demander, de quoi parlez-vous ? De quoi est-il question ?
Du dernier livre de Régine Deforges : « Toutes les femmes s’appellent Marie ».
Marie
Son histoire est celle d’une mère qui se sacrifie pour son fils. Casimir Delavigne disait qua la faiblesse, pour une mère, c’était son extrême indulgence. Elle a fait ce qu’elle croyait devoir faire, et cela force le respect, disait Madame Rosa, directrice de la maison close dont les filles aidèrent une fois Emmanuel.
Marie désire aider, sauver même son fils ou bien se sauver, elle ? Tout au long de ces pages, on entend la révolte et la tristesse, la colère et la rancœur, l’amertume et la violence. Le mari est mort et elle ressent le vide de son corps qui continue à réclamer, à chercher la douceur et la chaleur du corps de l’autre. Mais la mort l’a pris et elle va souhaiter sa propre mort pour tuer ce vide.
« Elle se couchera entre la mort et son amant contre lequel elle collera son corps. » C’est dans cette souffrance qu’elle décida et le jour et l’heure de l’issue. Auparavant, elle raconte. La mort de son mari, personne ne l’avait décidée. Elle a subi, en elle, la mort du mari-amant. Faire le deuil de la présence de son mari ? Comme si un deuil se faisait ! Non, elle n’a pas clos l’histoire, alors elle la continue avec son fils.
« Peu de temps après la naissance d’Emmanuel, Philippe, le père, mourût. » Son fils avait besoin d’elle, mais n’avait-elle pas plus besoin de son fils pour être dans le déni du manque brûlant de son corps ? Le fils, alors, souffre autant que la mère. Il existe des environnements psychotisants ! La femme s’effondre à la mort du mari. Elle ne pardonne pas la mort à la Vie. De quelle mort n’a-t-elle pas fait le deuil ? Comme si elle n’avait pas « d’objet interne ».
Elle ne dit pas grand-chose de son histoire familiale. Nous ne savons donc rien sur sa mère, si ce n’est qu’elle était « autoritaire ». Une mère abandonite qui ne permettait donc pas la rencontre ? Donc, pas de mère ? Etait-ce cet abandon qui effondra Marie à la mort de son mari ? Une mère intrusive, interventionniste jusque dans l’intime, centrée sur elle, au détriment de l’écoute de sa fille qui a dû se sentir bien seule. Abandonnée ? Mais reprenant le terme d’Alice Miller, « c’est pour ton bien ! » devait penser sa mère, elle avait elle-même un passé familial dans lequel elle ne s’était pas sentie reconnue ? Peut-être…
Nous pouvons penser qu’Emmanuel a vécu dans un environnement psychotisant et qu’il y fut sensible. A quel fantasme de sa mère répondait-il ? Schaeffer et Bailey disent avoir observé que l’activité des garçons dans les premiers mois de la vie est directement fonction de la façon dont la mère s’occupe d’eux. Dans quel désir inconscient a-t-il été conçu en Marie, sachant que Philippe, le père, avait été trépané et gazé pendant la guerre et qu’ils s’étaient fiancés juste avant le départ ? Beaucoup d’épreuves ! Et il faut du temps pour « devenir entier ».
Ainsi a grandi Emmanuel. Sa mère le nourrissait avec la même jouissance éprouvée lorsque le père prenait son sein dans la bouche lors de leurs ébats amoureux. Cette jouissance lui donnait la force de vivre. Sa pulsion de vie sortait de cette jouissance ? Celle-ci avait donc une fonction personnelle très particulière. Il grandissait. Elle le nourrissait toujours. Bien sûr au-delà du concevable, du tolérable ! Il imposait son désir, n’absorbant rien d’autre. La mère obéissait, même dans la douleur. Là, nous rejoignons la toute puissance de la maladie sur l’entourage. Des constructions mystico-religieuses prenaient place, ainsi que des rendez-vous avec les plus grands, les ténors du monde médical. Le diagnostic tombe : « Son lien avec le monde se réduit à sa mère. Les séparer équivaudrait à les tuer. »
Marie se résigne. Mais comment continuer ?