Dans son numéro d’avril (58/2), l’International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis a proposé un intéressant dossier autour de l’hypnose et la dépression, qui souffre d’un manque d’études sur la question (ce qui a pour conséquence que cette approche n’est pas officiellement préconisée pour ce syndrome).
Ce qui est en particulier encouragé est une forme de point de rencontre entre l’hypnothérapie et les méthodes issues des thérapies cognitives, une direction très en vogue actuellement dans les pays anglo-saxons.
En exemple d’un mariage réussi entre hypnothérapie et approche cognitive, nous pouvons citer le travail de Milburn (2010) qui propose un script d’hypnose enraciné dans des principes de thérapie cognitive et comportementale pour les patients souffrant de troubles de l’acceptation de soi, et d’autres pathologies en lien avec la problématique identitaire.
Cette tentative d’union entre hypnose et une autre approche va de pair avec un intérêt croissant pour les psychothérapies dites intégratives, dans lesquelles l’hypnose pourrait avoir toute sa place. A l’image d’ailleurs de la médecine, où l’hypnose confirme sa place au sein d’une « integrative médicine » pour les troubles gastro-intestinaux (Michelfelder et al, 2010), et semble confirmer son utilité sur la douleur chronique (Teets et al, 2010), même si peu d’études valides existent encore contrairement au champ de la douleur aiguë (Dhanani et al, 2010).
Avec une démarche inverse, et peut-être dans un souci d’efficacité, certains auteurs (Kwekkeboom et al, 2010) se demandent si certaines approches complémentaires ne pourraient pas prendre en charge plusieurs symptômes en même temps, plutôt que de multiplier les approches notamment chez des patients affaiblis.
Ce qui est investigué ici est la triade difficile chez les patients atteints de cancer : douleur, fatigue, troubles de sommeil. Si l’hypnose, nous disent les auteurs, a prouvé son efficacité sur chacun des trois symptômes, pour autant, il manque une approche du cluster « en entier » (les trois dimensions), pourtant très courant en clinique oncologique.
Toujours concernant la prise en charge de plusieurs symptômes en même temps, la publication de Cohen-Salmon (2010) fait une jolie revue de la littérature (depuis 1945) des méthodes permettant de réduire les répercussions psychocomportementales en périopératoire chez l’enfant, où l’hypnose est citée comme méthode validée scientifiquement (grâce aux travaux de Calipel et de son équipe).
L’un des faits marquants de l’année 2010 a été l’importante arrivée du virtuel dans le monde de l’hypnose. On connaissait les travaux portant sur l’utilisation de la réalité virtuelle notamment pour les soins chez les vétérans grands brûlés (Malloy & Milling, 2010), voici l’hypnose en réalité virtuelle (Patterson et al, 2010) !
Cette forme d’hypnose consiste à proposer aux patients une induction et des suggestions hypnotiques par un logiciel et un équipement de réalité virtuelle, qui semblent avoir une certaine efficacité. Alors, quid de l’humain dans ces nouveaux dispositifs bien dans l’air du temps ? Après tout, pourquoi s’embêter à constituer des suggestions et métaphores adaptées au patient si finalement un script standard, pré-enregistré, et qui ne nécessite qu’un technicien pour être activé peut fonctionner ?
Quoique ces méthodes de réalité virtuelle restent fascinantes et sont promises à un fort développement, à notre sens elles reposent la question de ce que l’on nomme « hypnose ».
Est-elle finalement simplement réductible au principe de suggestion et à une forme de distraction bien orchestrée comme ici ? Ou renvoie-t-elle aussi à tout un champ, toute une approche complexe de l’humain, qui ne se satisfait pas de la prise en charge de quelques symptômes aigus ?
Chacun sera sans doute appelé à se positionner dans ce grand débat dans les temps à venir. Une interrogation peut-être en lien avec de récents travaux montrant qu’au sein de mêmes groupes de patients (très suggestibles, etc.) des sous catégories existent suivant comment les inductions sont perçues (Terhune & Cardeña, 2010). N’est-ce pas le signe que les choses sont moins linéaires que le laisseraient penser les études utilisant la réalité virtuelle ?
Ce qui est en particulier encouragé est une forme de point de rencontre entre l’hypnothérapie et les méthodes issues des thérapies cognitives, une direction très en vogue actuellement dans les pays anglo-saxons.
En exemple d’un mariage réussi entre hypnothérapie et approche cognitive, nous pouvons citer le travail de Milburn (2010) qui propose un script d’hypnose enraciné dans des principes de thérapie cognitive et comportementale pour les patients souffrant de troubles de l’acceptation de soi, et d’autres pathologies en lien avec la problématique identitaire.
Cette tentative d’union entre hypnose et une autre approche va de pair avec un intérêt croissant pour les psychothérapies dites intégratives, dans lesquelles l’hypnose pourrait avoir toute sa place. A l’image d’ailleurs de la médecine, où l’hypnose confirme sa place au sein d’une « integrative médicine » pour les troubles gastro-intestinaux (Michelfelder et al, 2010), et semble confirmer son utilité sur la douleur chronique (Teets et al, 2010), même si peu d’études valides existent encore contrairement au champ de la douleur aiguë (Dhanani et al, 2010).
Avec une démarche inverse, et peut-être dans un souci d’efficacité, certains auteurs (Kwekkeboom et al, 2010) se demandent si certaines approches complémentaires ne pourraient pas prendre en charge plusieurs symptômes en même temps, plutôt que de multiplier les approches notamment chez des patients affaiblis.
Ce qui est investigué ici est la triade difficile chez les patients atteints de cancer : douleur, fatigue, troubles de sommeil. Si l’hypnose, nous disent les auteurs, a prouvé son efficacité sur chacun des trois symptômes, pour autant, il manque une approche du cluster « en entier » (les trois dimensions), pourtant très courant en clinique oncologique.
Toujours concernant la prise en charge de plusieurs symptômes en même temps, la publication de Cohen-Salmon (2010) fait une jolie revue de la littérature (depuis 1945) des méthodes permettant de réduire les répercussions psychocomportementales en périopératoire chez l’enfant, où l’hypnose est citée comme méthode validée scientifiquement (grâce aux travaux de Calipel et de son équipe).
L’un des faits marquants de l’année 2010 a été l’importante arrivée du virtuel dans le monde de l’hypnose. On connaissait les travaux portant sur l’utilisation de la réalité virtuelle notamment pour les soins chez les vétérans grands brûlés (Malloy & Milling, 2010), voici l’hypnose en réalité virtuelle (Patterson et al, 2010) !
Cette forme d’hypnose consiste à proposer aux patients une induction et des suggestions hypnotiques par un logiciel et un équipement de réalité virtuelle, qui semblent avoir une certaine efficacité. Alors, quid de l’humain dans ces nouveaux dispositifs bien dans l’air du temps ? Après tout, pourquoi s’embêter à constituer des suggestions et métaphores adaptées au patient si finalement un script standard, pré-enregistré, et qui ne nécessite qu’un technicien pour être activé peut fonctionner ?
Quoique ces méthodes de réalité virtuelle restent fascinantes et sont promises à un fort développement, à notre sens elles reposent la question de ce que l’on nomme « hypnose ».
Est-elle finalement simplement réductible au principe de suggestion et à une forme de distraction bien orchestrée comme ici ? Ou renvoie-t-elle aussi à tout un champ, toute une approche complexe de l’humain, qui ne se satisfait pas de la prise en charge de quelques symptômes aigus ?
Chacun sera sans doute appelé à se positionner dans ce grand débat dans les temps à venir. Une interrogation peut-être en lien avec de récents travaux montrant qu’au sein de mêmes groupes de patients (très suggestibles, etc.) des sous catégories existent suivant comment les inductions sont perçues (Terhune & Cardeña, 2010). N’est-ce pas le signe que les choses sont moins linéaires que le laisseraient penser les études utilisant la réalité virtuelle ?
Comme nous l’avons dit, le point de départ concernant les travaux autour de la réalité virtuelle sont les soins aux grands brûlés.
A ce propos, nous conseillons la très intéressante lecture de l’article de Berger et collaborateurs (2010) qui ont élaboré un protocole judicieux de contrôle de la douleur incluant l’hypnose, protocole qui mène à une baisse d’intensité douloureuse, de l’anxiété, une meilleure récupération, une réduction des coûts et une meilleure efficacité des antalgiques.
Au chapitre du « purement expérimental » prometteur, une intéressante étude coordonnée par Zoe Hill (2010) porte sur les pensées et traces mémorielles intrusives, que l’on retrouve principalement dans le post-trauma, les troubles obsessionnels compulsifs, la dépression et certaines phobies (sociales et agoraphobie).
Avant l’hypnose, on demande aux participants de trouver un souvenir déstressant. Puis, en hypnose, on suggère à un premier groupe que lorsqu’une phrase serait prononcée à l’état de veille (« let’s move on to something else »), ils retrouveraient cet endroit. Puis une suggestion d’amnésie était faite pour que la consigne soit oubliée.
Pour l’autre groupe, la suggestion en hypnose était que lorsqu’on leur demanderait, ils devraient instantanément se plonger dans ce souvenir déstressant.
Une fois revenus à un état ordinaire de conscience, il était proposé aux deux groupes une tâche cognitive.
Au bout d’une minute, on glisse la phrase devant déclencher le souvenir dans le groupe 1, alors que dans le groupe 2, il leur est explicitement demandé le souvenir déstressant. Les deux groupes devaient ensuite continuer la tâche, puis on demande aux participants à quoi ils pensaient pendant la réalisation de l’exercice cognitif.
Globalement, les participants du premier groupe ont ressenti un plus grand sentiment d’involontarité et de diminution du stress que le second groupe. Par ailleurs, le souvenir déstressant a été plus perturbateur dans le premier cas (avec amnésie de la consigne) que dans le second (remémorisation intentionnelle).
Certes, pour l’instant ce paradigme d’étude n’a pas vraiment de répercussion clinique, et a simplement démontré sa validité pour explorer à l’avenir (et cette fois de façon plus clinique) les pensées intrusives et l’intérêt de l’hypnose dans ces prises en charge.
Néanmoins, on peut déjà se demander si un travail de suggestion paradoxale demandant au patient de retrouver intentionnellement et le plus souvent possible les pensées et émotions intrusives ne pourrait pas déjà améliorer les patients (les remémorations intentionnelles du second groupe ne perturbant pas ou peu les tâches à accomplir par ailleurs), jusqu’à une véritable forme de désensibilisation.
Comme on le voit, un certain nombre de communications cette année étaient axées autour de la suggestion, avec ou sans hypnose d’ailleurs. Mais la suggestion est-elle éthique ? C’est la question que pose Michel Shamy (2010) à propos des troubles psychomoteurs d’origine psychogène, c’est-à-dire supposés conversifs, que l’on retrouve notamment dans des situations de trauma, d’anxiété ou de peur.
L’intéressant ici est que cette vieille question, remontant à la fois à Freud et Charcot, est ici doublement argumentée : d’abord sous l’angle des méta-analyses, qui justifient l’hypnose comme approche valide dans ces troubles, mais également sous l’angle de la notion de confiance entre le médecin et son patient. L’auteur montre en quoi les objections couramment entendues (comme : la suggestion est une forme de privation de l’autonomie psychique du patient) tombent au regard d’une éthique globale du soin. Et que dans ce cadre, il n’est pas à craindre une détérioration de la relation thérapeute / patient.
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A ce propos, nous conseillons la très intéressante lecture de l’article de Berger et collaborateurs (2010) qui ont élaboré un protocole judicieux de contrôle de la douleur incluant l’hypnose, protocole qui mène à une baisse d’intensité douloureuse, de l’anxiété, une meilleure récupération, une réduction des coûts et une meilleure efficacité des antalgiques.
Au chapitre du « purement expérimental » prometteur, une intéressante étude coordonnée par Zoe Hill (2010) porte sur les pensées et traces mémorielles intrusives, que l’on retrouve principalement dans le post-trauma, les troubles obsessionnels compulsifs, la dépression et certaines phobies (sociales et agoraphobie).
Avant l’hypnose, on demande aux participants de trouver un souvenir déstressant. Puis, en hypnose, on suggère à un premier groupe que lorsqu’une phrase serait prononcée à l’état de veille (« let’s move on to something else »), ils retrouveraient cet endroit. Puis une suggestion d’amnésie était faite pour que la consigne soit oubliée.
Pour l’autre groupe, la suggestion en hypnose était que lorsqu’on leur demanderait, ils devraient instantanément se plonger dans ce souvenir déstressant.
Une fois revenus à un état ordinaire de conscience, il était proposé aux deux groupes une tâche cognitive.
Au bout d’une minute, on glisse la phrase devant déclencher le souvenir dans le groupe 1, alors que dans le groupe 2, il leur est explicitement demandé le souvenir déstressant. Les deux groupes devaient ensuite continuer la tâche, puis on demande aux participants à quoi ils pensaient pendant la réalisation de l’exercice cognitif.
Globalement, les participants du premier groupe ont ressenti un plus grand sentiment d’involontarité et de diminution du stress que le second groupe. Par ailleurs, le souvenir déstressant a été plus perturbateur dans le premier cas (avec amnésie de la consigne) que dans le second (remémorisation intentionnelle).
Certes, pour l’instant ce paradigme d’étude n’a pas vraiment de répercussion clinique, et a simplement démontré sa validité pour explorer à l’avenir (et cette fois de façon plus clinique) les pensées intrusives et l’intérêt de l’hypnose dans ces prises en charge.
Néanmoins, on peut déjà se demander si un travail de suggestion paradoxale demandant au patient de retrouver intentionnellement et le plus souvent possible les pensées et émotions intrusives ne pourrait pas déjà améliorer les patients (les remémorations intentionnelles du second groupe ne perturbant pas ou peu les tâches à accomplir par ailleurs), jusqu’à une véritable forme de désensibilisation.
Comme on le voit, un certain nombre de communications cette année étaient axées autour de la suggestion, avec ou sans hypnose d’ailleurs. Mais la suggestion est-elle éthique ? C’est la question que pose Michel Shamy (2010) à propos des troubles psychomoteurs d’origine psychogène, c’est-à-dire supposés conversifs, que l’on retrouve notamment dans des situations de trauma, d’anxiété ou de peur.
L’intéressant ici est que cette vieille question, remontant à la fois à Freud et Charcot, est ici doublement argumentée : d’abord sous l’angle des méta-analyses, qui justifient l’hypnose comme approche valide dans ces troubles, mais également sous l’angle de la notion de confiance entre le médecin et son patient. L’auteur montre en quoi les objections couramment entendues (comme : la suggestion est une forme de privation de l’autonomie psychique du patient) tombent au regard d’une éthique globale du soin. Et que dans ce cadre, il n’est pas à craindre une détérioration de la relation thérapeute / patient.
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